19/08/2014
La bibliothèque
J'ai pris à la bibliothèque municipale de Béthune le livre de Grenadou, diminutif de petite grenade dégoupillée, (si on n'a plus le droit de plaisanter un peu...) et aussi d'Armand Lanoux, dont la bibliographie est impressionnante... cela va du roman policier, au classique. J'ai bien envie de découvrir cet auteur, plutôt du bord de Marne quant à lui, à en croire l'inspiration que ce fleuve lui procura, tandis que Grenadou est un gars d'Eur-Et-Loir, département où la Loire se rapproche un peu de la Marne. Ces congénères auraient pu se rencontrer durant la période houleuse de la guerre de 40. D'Armand Lanoux j'ai trouvé un livre de poésie intitulé le montreur d'ombres. Je partage avec vous ce poème dont il est l'auteur :
LES MAÎTRES DES HOMMES
Monsieur l'oiseau m'apprit
bien des tours :
je ne connaissais pas le jeu
de valet-rampe
de fuyard-court
d'étrangle-son-père
d'écornifle-le-pigeon
je ne savais pas la règle
de passe-la-mer
de trompe-ton-monde
de vire-vent
de chante-coucou
de frappe-dans-le noir
ou de tue dans l'œuf.
Je ne savais même pas
jouer à voleur-vole.
J'étais bien jeune alors
pour être un homme.
Mon commentaire : le poème est celui d'un enfant dégageant beaucoup de fraîcheur. Etre un homme, c'est plutôt savoir abandonner la plupart des jeux de ce drôle d'oiseau que décrit ce poète ici montreur d'ombres, comme annoncé dans l'intitulé de son livre.
Et cet autre poème, surréaliste aussi, et qui s'intitule ENFANCE DE L'ART, dont voici un extrait :
[...]
Deux cerfs mâles s'affrontaient à Chaumont
quand les abois les cris les cors sonnèrent.
La meute de Madame de Broglie
souda au feu de l'effroi sous les feuilles
les branches de leurs cornes.
On dirait
deux amants
aux têtes coupées
noués par leur haine.
J'ai appris à lire
sur ces cartons glacés
bristol du passé
dans la fumée de l'espérance Atlanta Boat
à Providence.
Mon âme à marée haute
les vagues du souvenir dansent.
Les paquebots de la French Line
à tête rouge et rouge cheminée
emportent mon père cuisinier
mon père nommé Aimé
avec son collègue Fritz
au Ritz
de Baltimore.
Fritz sera tué en Quatorze
par une balle perdue
pour tout autre que lui
nevermore et jamais plus.
La Providence fut
navire à mélos saloon péniche
bastringue à noirs hôpital flottant
et bateau à prières.
Ainsi vont les vaisseaux de mes ans
sur la rivière ou l'Océan.
Monsieur Pirot de Troyes
balayeur municipal
et son cheval Charlot
chez grand-mère Emilie
furent surpris
par deux mètres d'eau.
On décora le canasson de l'ordre du Mérite
l'homme noyé le fleuve fou l'emporta.
Des conseillers d'arrondissement
posèrent un trait de sang
sur sa dépouille envasée.
Émilie avait joué fillette
avec ce vaillant
comme on n'en fait plus.
Depuis peinte en or
regardant le boulevard qui dort
le long de son canal
la tête du cheval
héroïque
couronne une boucherie hippophagique.
C'était pendant l'inondation de soixante-dix
ou pendant la guerre grande
de mil neuf cent dix.
A rio Grande
le vent tourmente les captifs.
Dans les rues
disparues
je ne vois plus que drapeaux lampions saltimbanques
Juifs errants montreurs de chèvres charmeurs d'oiseaux
cerfs-volants enseignes marchands de coco.
— Mes dames voilà le plaisir
n'en mangez pas ça fait mourir.
Mangez-en.
L'oubli venait toujours avec les ans.
[...] ☺... ☺ Armand Lanoux
J'ai mis les sourires parce qu'Armand Lanoux avec ce grain de folie douce qu'il exprime en poésie réussit à sortir la tête des eaux troubles et mortifères de périodes affreuses, d'une cruauté où l'absurdité des évènements est indigeste.
Photo de Nancy Dadisman, prise dans le Colorado, que j'ai vue dans le Daily Ray, ce matin.
Ces fleurs, je les vois comme des cœurs confiants, qui attendent, candides comme des enfants bercés de lumière.
Et maintenant la video du jour, vue sur le blog Embarquements | L'Aventure autrement.
JEAN-MARIE & SES MONSTRES | Infracourts2 par stephanedugast
Et enfin, dernière visite du jour chez SOLKO, avant d'éteindre l'ordinateur, sa claire analyse du tourisme vous fera sourire tout en réfléchissant : le contraire du sourire béat qui agace tant Solko : http://solko.hautetfort.com/archive/2014/08/18/je-hais-le...
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18/08/2014
Michel Bouquet, Jean Yanne, Monica Vitti
Une fiction : Raison d'Etat, visionnée hier soir, qui fait froid dans le dos. Toute brillante biologiste qu'elle soit, le personnage de Monica Vitti, s'entêtant à se solidariser avec son vieil amoureux — journaliste qui tient tête à l'Etat français qu'il accuse de continuer de fabriquer et vendre des armes aux dépends de populations qui les reçoivent sur la tête, tous âges confondus — se fera finalement suicider pour raison d'Etat.
Côté résistance le sentiment d'empathie prédomine, l'adulte n'a pas coupé avec l'adolescence, écoute encore de la musique par exemple. La biologiste, son vieil ami perdu, veut accomplir à sa place la mission d'information qu'il s'était donné ; en face les protagonistes, desséchés de l'intérieur, sont tenaillés par l'obsession qui semblerait les habiter, de plaire au plus grand nombre avoue le personnage joué par Jean Yanne, qu'ils veulent satisfaire en faisant ce commerce, lequel argumente-t-il dans l'absurde, permettra à la population courtisée de garder son standing habituel. Faux argument rétorque la biologiste qui pense que les motivations des politiques des Etats sont plus médiocres encore : le commerce d'armes selon elle permet aux hommes qu'elle incrimine de se constituer une caisse noire. La candide, profonde et belle biologiste se fera donc suicider au bout du compte, manu militari, avec la complicité de représentants d'autres Etats. Pas d'effets spéciaux, les acteurs gardent la face si l'on peut dire, humaine. Face derrière laquelle la victime pourtant pas née de la dernière pluie, trompée par ce trésor d'adolescence candide qui lui reste, n'avait pas soupçonné autant de noirceur. L'horreur que nous montre à souhait les adaptations des œuvres de Stephen King n'égale pas celle que distille Raison d'Etat. Michel Bouquet, pour reconnu qu'il soit à l'unanimité, est néanmoins un acteur virtuose pour de vrai à mon sens. Et Jean Yanne ! Pas mal non plus !
Poème trouvé sur le blog Jupiter Cheval Vert dont l'auteur est le blogueur :
352
Si le beau est mort espérons que le reste suive
L'armée des ombres à l'ombre des au revoir
Nous devrions tuer les machines avant qu'elles ne nous tuent
Et détruire les images avant qu'elles ne nous voient
Le matin totalisant l'espoir et le déchet
C'est la nuit qui m'empêche de dormir.
Lu ensuite sur le blog Diérèse, un poème de Desnos :
"Dans sa préface à « État de veille », Robert Desnos écrit : « Ce n’est pas la poésie, qui doit être libre, c’est le poète ». Son recueil réunissait deux séries de pièces : quelques « couplets » destinés à être mis en musique avaient été écrits en 1942 dans une facture relativement classique inspirée de Nerval et Gongora, tandis que des « poèmes forcés », selon son expression, avaient été composés en deux temps, d’abord lors de séances journalières auxquelles le poète s’astreignit en 1936, puis en 1942 par un travail de réécriture à tête reposée. Quelques-uns de ces poèmes ne sont pas datés, dont « Histoire d’une ours »." DM
"Voici la version définitive de la première strophe :
Une ourse fit son entrée dans la ville.
Elle marchait pesamment
Et des gouttes d’eau brillaient dans son pelage
Comme des diamants.
Et celle de la troisième :
La foule passait,
Nul ne la regardait
Et même on la bousculait
Il y aura cependant peu de variantes dans l’édition définitive, où l’on peut lire :
Que l’on te pare d’étoiles
Et que, du fond de leur geôle,
Les prisonniers te voient passer devant le soupirail
…
J’entends des pas lourds dans la nuit,
J’entends des chants, j’entends des cris,
Les cris, les chants de mes amis.
Leurs pas sont lourds
Mais quand naîtra le jour
Naîtront la liberté et l’amour
…
Grande Ourse au ciel tu resplendis
Tandis que j’écoute dans la nuit
Les cris, les chants de mes amis.
Desnos
et enfin je vous gratifie de la photo du jour trouvée dans le Daily Ray, photo de Victoria Morrow prise au Cesar Chavez Park à Berkeley en Californie :
Le Daily Ray de commenter la photo avec une phrase de Maya Angelou : All great achievements require time.
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17/08/2014
Losey
Je n'ai pas trouvé Le Messager, un film du cinéaste Losey dont j'ai entendu parler sur France Inter hier, si bien que l'envie de voir le film m'est venue, tenace. J'ai trouvé un autre amoureux de ce film sur ce site, extrait de son analyse :
"Thème de l'initiation adolescente refusée. Le vert paradis des amours enfantines, la demeure de Brandham Hall se révèle inapte à initier l'enfant au monde adulte. Cette expérience a délabré l'enfant, l'a rendu sec pour toute sa vie."
Frustration ! il n'y a pas de cinéma d'art et essai dans le coin qui pourrait le passer. Le lien du site quand même : http://www.cineclubdecaen.com/realisat/losey/messager.htm
19:23 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)