13/11/2011
Infiltration
Les pièces d’Anouilh en apprennent davantage sur le parisianisme et la misogynie que ce que l’auteur, peut-être un peu dépassé par son propos, aurait pensé. Des choses que l’on n’aurait pas crues font craquer le vernis des apparences. Du point de vue des diktats esthétiques aussi. Face à cette mine d’informations on se retrouve ethnologue par la force des choses, espion malgré soi alors qu’on voulait juste réfléchir un peu sur diverses questions universelles.
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12/11/2011
La tirade du comte
Dans une tirade du deuxième acte de L’amour puni de Anouilh le comte dit :
"Je ne sais d’ailleurs pas quelle conjuration de cagots et de vieilles filles a pu réussir, en deux siècles à discréditer le mot plaisir. C’est un des mots les plus doux et les plus nobles de la langue. Je ne suis pas croyant mais si je l’étais, je crois que je communierais avec plaisir. Le mal et le bien, aux origines, cela a dû être ce qui faisait plaisir ou non — tout bonnement. Toute la morale de ces cafards repose précisément sur ce petit mot fragile et léger qu’ils abhorrent. Pourquoi l’amour ne serait-il pas d’abord ce qui fait plaisir au cœur ? On a bien le temps de souffrir par la suite."
J’ai un souvenir plus positif de la religion, lié à mon enfance. Je me rappelle justement tous ces plaisirs qui s'y rattachaient. Nous étions dans une sorte de bulle, les contes de fées avaient l’air bien palots à côté des histoires du vagabond sublime et de ses compagnons, écumant la Palestine et les régions environnantes. Les noces de Cana ; ces gens dans la galère que d’un coup ce personnage lumineux rendait heureux ; cette femme qu’il sauva alors qu’on s’apprêtait à la lyncher "Que celui qui n’a jamais pêché lui lance la première pierre."(frissons de connivence avec notre héros) etc. Je ne me lassais pas d’écouter ces "souvenirs concernant le mystérieux fils de l’homme". La porte s’est fermée depuis sur ce petit paradis que devenait l'enfance dès que je me trouvais en compagnie de ces religieux. Prières, chants, extase pour certains, confiance encouragée, ce doit être un bonheur d’avoir toujours accès à ce monde. Cet univers m'évoque une danse de soufis, ou une ronde à laquelle j'ai participé.
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11/11/2011
Colombe
Un extrait du deuxième acte de Colombe, une pièce de Jean Anouilh :
Colombe
Comme c’est beau, Madame-Chérie, tout ce que vous racontez ! On dirait qu’on lit des histoires. Mais comment faut-il faire pour être aimée comme cela ?
Madame Alexandra
Etre femme, c’est tout. Matérialiser, soudain, pour des êtres plus frustres l’éclat, la folie, le désir, tout ce qui leur est inaccessible… Salvator et mon Hollandais étaient des brutes, malgré leur vernis d’hommes du monde — j’étais l’Art et j’étais la Beauté. Ils savaient qu’il fallait qu’ils sortent d’eux-mêmes, pour me mériter. Alors ils essayaient d’inventer quelque chose qui les dépasse. Un jour où je n’avais pas faim (je mettais toujours mon gant dans mon assiette — je ne vivais que de champagne et d’art à cette époque : je voulais me faire maigrir), Salvator, désespéré, que je ne mange rien, s’est fait apporter un rat tout cru, chez « Maxim’s », et l’a dévoré devant moi.
Poète-Chéri
Dieu, que c’est fou cela ! Dieu, que c’est grand !
Madame Alexandra
Pensez-donc ! C’était dégoûtant ! J’ai failli vomir mon champagne. Je l’ai giflé, oui, devant tout le monde et je suis sortie du restaurant. Le plus drôle c’est que, sur l’addition, ils lui ont compté le rat cinquante francs !
Poète-Chéri
N’est-ce pas à peu près à la même époque que Boni Despinglettes a mis le feu à son hôtel pour vous ?
Madame Alexandra
Quel fou ! Je le faisais languir depuis un an. Nous soupions chez lui, avec des amis. La conversation roulait sur Néron. Je dis mon admiration pour cet être étonnant qui avait compris la vie en beauté. Je dis que Romaine, je l’aurais sans doute aimé. Despinglettes devient livide, il se lève, il prend un candélabre du sur-tout et sans prononcer une parole, il met le feu aux doubles rideaux… Les domestiques veulent se précipiter avec des carafes… Il tire un pistolet de sa poche et menace de les abattre s’ils font un geste… Nous étions tous debout, tout pâles, à regarder brûler les rideaux… Quand les flammes ont atteint le plafond, j’ai été à lui, sans un mot, et je l’ai baisé sur la bouche… Les domestiques en ont profité pour arroser. C’est comme cela qu’on a sauvé le bâtiment.
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