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24/11/2011

Francis Ponge Le parti pris des choses

Ad Litem

Mal renseignés comme nous le sommes par leurs expressions sur le coefficient de joie ou de malheur qui affecte la vie des créatures du monde animé, qui, malgré sa volonté de parler d’elles, n’éprouverait au moment de le faire un serrement de cœur et de la gorge se traduisant par une lenteur et une prudence extrêmes de la démarche intellectuelle, ne mériterait aucunement qu’on le suive, ni, par suite, qu’on accepte sa leçon.

Alors qu’à peu près tous les êtres à rangs profonds qui nous entourent sont condamnés au silence, ce n’est pas comme il s’agit d’eux un flot profond de paroles qui convient ; une allure ivre ou ravie non plus, quand la moitié au moins enchaînée au sol par des racines est privée même des gestes, et ne peut attirer l’attention que par des poses, lentement, avec peine, et une fois pour toutes contractées.

Il semble d’ailleurs, a priori, qu’un ton funèbre et mélancolique ne doive pas mieux convenir, ou du moins ne faudrait-il pas qu’il soit l’effet d’une prévention systématique. Le scrupule ici doit venir du désir d’être juste envers un créateur possible, ou des raisons immanentes, dont on nous a dès l’enfance soigneusement avertis, et dont la religion, forte dans l’esprit de beaucoup de générations de penseurs respectables, est née du besoin de justifier l’apparent désordre de l’univers par l’affirmation d’un ordre ou la confiance en des desseins supérieurs, que le petit esprit de chacun serait incapable de discerner. Or, la faiblesse de notre esprit… il faut bien avouer que la chose est possible : nous en avons assez de signes manifestes au cours de notre lutte même avec nos moyens d’expression.

Et pourtant, bien que nous devions nous défier peut-être d’un penchant à dramatiser les choses, et à nous représenter la nature comme une enfer, certaines constatations dès l’abord peuvent bien justifier chez le spectateur une appréhension funeste.

Il semble qu’à considérer les êtres du point de vue où leur période d’existence peut être saisie tout entière d’un seul coup d’œil intellectuel, les événements les plus importants de cette existence, c’est-à-dire les circonstances de leur naissance et de leur mort, prouvent une propension fâcheuse de la Nature à assurer la subsistance de ses créatures aux dépens les unes des autres, — qui ne saurait avoir pour conséquence chez chacune d’entre elles que la douleur et les passions.

Je veux bien que du point de vue de chaque être sa naissance et sa mort soient des événements presque négligeables, du moins dont la considération est pratiquement négligée. J’accepte encore que pour toute mère enfanter dans la douleur soit une piètre punition, très rapidement oubliée.

Aussi n’est-ce pas de telles douleurs, ni celles qui sont dues à tels accidents ou maladies, qu’il serait juste de reprocher à la Nature, mais des douleurs autrement plus graves : celles que provoque chez toute créature le sentiment de sa non-justification, celles par exemple chez l’homme qui le conduisent au suicide, celles chez les végétaux qui les conduisent à leurs formes

…Une apparence de calme, de sérénité, d‘équilibre dans l‘ensemble de la création, une perfection dans l‘organisation de chaque créature qui peut laisser supposer comme conséquence sa béatitude ; mais un désordre inouï dans la distribution sur la surface du globe des espèces et des essences, d’incessants sacrifices, une mutilation du possible, qui laissent aussi bien supposés ressentis les malheurs de la guerre et de l’anarchie : tout au premier abord dans la nature contribue à plonger l’observateur dans la perplexité.

Il faut être juste. Rien n’explique, sinon une mégalomanie de création, la profusion d’individus accomplis de même type dans chaque espèce. Rien n’explique chez chaque individu l’arrêt de la croissance : un équilibre ? Mais alors pourquoi peu à peu se défait-il ?

 

Et puis donc, aussi bien, qu’il est de nature de l’homme d’élever la voix au milieu de la foule des choses silencieuses, qu’il le fasse du moins parfois à leur propos…

1931  Francis Ponge

À propos de Luc Dietrich, un contemporain de Francis Ponge, cliquez sur ce lien : http://bouquinbourg.canalblog.com/archives/2011/05/12/211...

09:05 Publié dans Lecture, Site | Lien permanent | Commentaires (0)

23/11/2011

L'animatrice bénévole

Hier je suis restée quelques heures en salle d’attente parmi d’autres patients qui portaient bien leur qualificatif. Ces hommes et femmes restaient, en taiseux admirables, pour la plupart immobiles sur leur chaise à ne rien faire, sinon se donner l’illusion de lire ou de regarder la petite télé suspendue au plafond pour ceux qui l’avaient en face d’eux. Tout cela durant un certain temps, sans se départir d’un calme olympien, pas le moindre marmonnement ; j’aurais quant à moi donné quelques involontaires signes d’impatience, soupirs mal étouffés, jambe qui tressaute mécaniquement, si je n’avais eu mon fidèle et secourable Librio à repotasser, non sans une certaine délectation étant donné mon goût pour la grammaire. Soudain je réalise, page84, qu’une dame a rompu le « cercle magique » et parle de ses oies au voisinage. Étonnée par l’esprit d’initiative de cette animatrice bénévole j’abandonne un instant le cas du past perfect modal(avec lequel on peut émettre une hypothèse pour exprimer un événement virtuel, ne s’étant pas réalisé dans le passé), pour écouter les faits concrets que narrait la dame : «  J’suis tombée de tout mon long au milieu des oies, heureusement elles n’étaient pas en couvaison, sinon j’étais morte, le jars m’aurait tuée. Mon chien a déjà été pincé par le jars, il sait c’que sait. Non, j’avais pris des oies sans savoir, maintenant je regrette. C’est pas des bêtes reconnaissantes. Et elles sont sales. Je leur avais préparé un petit bassin, elles ont sali l’eau tout de suite avec leur pattes sales … » Tout le monde rêve dans l’assistance grâce à cette femme au réel charisme. Les oies participent de la poésie ambiante, plus personne ne guette l’hospitalier de la délivrance. Mais où en étais-je avec ma révision du past perfect modal ? À cet exemple page 84 du Librio : «  If he had been there, he would have told her what to do .»   

05:49 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)

20/11/2011

Le coltan

J'ai vu sur TVMonde hier un reportage sur le coltan, un minerai qu'on utilise pour les téléphones mobiles et  les ordinateurs qui sert aussi à financer la guerre.

Les personnes qui travaillent dans les mines pour l'extraire le font à leurs risques et périls, rien n'ayant été sécurisé. Des enfants y travaillent aussi.

Un autre documentaire moins récent sur Dailymotion:http://www.dailymotion.com/video/x19a67_le-coltan-au-kivu_news