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19/10/2011

Le départ en trombe (suite Madame T)

« Un forcené ! Vite ! Appelez les urgences. »

De nombreuses personnes dégainèrent fébrilement leur mobile et appelèrent du secours, l’appareil caché dans le poing, dans l’attitude de gens de théâtre qui se lamenteraient en aparté «  Un homme cagoulé en crise dans le vieux centre…  » « … on a rien vu venir… » L’individu en question, sorti de nulle part, avait dissimulé son visage sous une cagoule avant de riposter par cette destruction caractéristique de matériel, aux insultes du journaliste qu’il avait sans doute prises pour lui en tant que probable locataire de la tour trois. L’agresseur initial ne tenait plus la dragée haute à celle qui prenait un  nouveau nom en fonction du lieu où elle se trouvait. Cet amateur de scoop obsevait, médusé, son ennemi qui gardait maintenant à distance d’éventuels amateurs de boxe, une chaise brandie en bouclier devant lui. Il interpela brusquement Ludivine « Vous, amenez-vous, on rentre. » Elle obtempéra comme une automate, quittant avec un parfait détachement la compagnie. « Prenez la chaise, n’hésitez pas à cogner en cas de besoin. » L'étonnant personnage sortit à son tour un portable pour y éructer « On se tire. » Quelques secondes plus tard une voiture se pointa sur les chapeaux de roue, dans une ambiance de tournage de film. L’individu poussa Ludivine à l’intérieur avant de s’y engouffrer.

« On croit rêver ! » s’exclama Sandrine ulcérée. « Ils se la jouent James Bond !  Réveillez-moi ! » À ce propos le professeur manifesta de l’agacement. Sa tristesse en disait long sur sa déception. Il jeta un coup d’œil consterné au fauteur de trouble tandis que Sandrine s’empressa au contraire de le rassurer « C’est grâce à vous que la plaisanterie a enfin cessé. Comment vous remercier ? » Avant que Fred ne réponde Alain Doment lui asséna une remarque pleine d’aigreur. Il avait pris pour lui la muflerie du journaliste. Pour la première fois Sandrine sentit que son vieil ami lui résistait. À son insu il affichait une attitude lointaine. Le vieux professeur grommela à part lui « C’est moche. C’est nous qui sommes moches. »  

 


 


 


 


 


 


 

 

 

     

 

 

 

 

 


 


 


 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

 

 

18/10/2011

Une dispute éclate (suite Madame Trémoulot)

« Vous me proposiez d’être votre informatrice. J’ai hâte de connaître les Brise-fer. Ils ne s’ront jamais aussi désagréables que ceux-là à mon avis. »

L’un des hommes du groupe voisin s’arrêta de rire et considéra Ludivine avec stupéfaction.

« Vous êtes qui vous ? j’ai pas l’honneur d’avoir été présenté, moi c’est fred Aster de mes deux, je bosse pour Mediasec.  »

Il adressa un sourire obséquieux au couple et continua :

« On tient une brise-fer alors Professeur ? À moins que vous ne soyez passé dans le camp adverse, ce qui m’étonnerait de votre part. Belle prise. »

Dès ce moment l’adrénaline circula comme une traînée de poudre parmi le groupe. Tous les regards convergeaient vers Ludivine elle-même très tendue. Son interlocuteur reprit :

« Les Brise-fer ne s’ront jamais aussi désagréables que ces gens. C’est ce que vous avez dit. Ça vient nous provoquer chez nous maintenant.  »

« Attendez, c’est un malentendu ! »

Alain Doment allait essayer de rattraper la maladresse de sa nouvelle employée mais l’homme le coupa, tout à sa hargne :

« Vous vous laissez emberlificoter alors. Nous enquêtons sur cette femme depuis son arrivée à Paris. C’est une ancienne de la tour trois, elle y a habité durant trois ans. Vous vous êtes laissé bluffer Professeur. »

Sandrine éclata :

« Ne vous l’avais-je pas dit Alain." Puis, s'adressant à Ludivine : "Ah vous ! espèce de faux cul, je vous retiens !"

Chacun attendait une explication de Ludivine, en plein désarroi, qui, à la recherche d'une issue, essaya de gagner du temps :

« Vous n'êtes pas équipé correctement pour écouter la radio mon vieux. Un transistor à piles posé au milieu de la table… c’est plus radio Londres, on est passé à autre chose depuis "Les français parlent aux français". Dites-moi, y sort d’où ce machin ? C’est une antiquité ce transistor ! Il y a des applications gratuites maintenant pour écouter la radio sur son iPhone, vous saviez pas ? »

« Eh la merdeuse ! Si encore t’étais canon tu pourrais la ramener. J’te conseille de fermer ta gueule. Tu vas arrêter de nous aboyer dessus t’entends ? Tu indisposes Madame Carnet et le professeur Doment avec tes boniments. J’écoute la radio comme je veux et je t’emmerde. Tu sais ce qu’on en fait des brise-fer nous ? »

Tout le monde riait maintenant à la cantonade quand on entendit un fracas de tous les diables. Un homme qui jusqu’ici se dissimulait dans l’assistance venait de fracasser la radio sur le bitume de l’avenue. Madame Carnet s’écria :

« Un Brise-fer, un forcené ! Vite ! Appelez-les les urgences. »

17/10/2011

Madame Trémoulot (suite)

« Et si Madame Trémoulot devenait notre informatrice ? Personne de la connaît ici. C’est mieux comme reconversion pour vous, non ? Puis-je vous appeler par votre prénom au fait ? que j’ignore encore du reste. »

« C’est Sylvie. »

Ludivine se trouvait dans ce lieu d’anonymat que sont tous les endroits où l’on a aucune attache et en profita pour changer spontanément de prénom, sans penser qu’ultérieurement Alain Doment pourrait vérifier son identité sur simple demande de sa carte. Qu’à cela ne tienne, elle lui expliquerait alors que son prénom véritable lui semblait un peu pompeux, voilà tout. Des rires bruyants éclatèrent d’un coup à la table voisine, juste après qu’elle eut déclaré s‘appeler Sylvie. Elle en ressentit une petite fatigue irrationnelle, consciente de n‘être pour rien à la soudaine hilarité générale. Ludivine avait toujours eu peur des gens soûls ou qui semblaient l’être.

«  Vous n’êtes pas bien ? »

Rien n’échappait au regard de Sandrine lorsqu’il s’agissait d’interpréter le moindre signe de douleur. Un vieux réflexe professionnel. Des rires tonitruants fusèrent de nouveau à côté en écho à sa question. Ludivine se racla la gorge.

« Ce ne sont pas des Brise-fer ceux-là, j’imagine qu’ils ne veulent pas mettre un pied dans ce genre de quartier. »

« Parmi ces gens qui se marrent à côté il y a deux journalistes qui couvrent l’affaire des ascenseurs, les autres je ne sais pas. Ils sont en train de suivre une chronique humoristique à la radio… vous entendez ? écoutez… »

Ludivine perçut quelques mots à propos du Carlton, de prostituées, de politiques impliqués, de chtis, encore eux. Alain Doment, un sourire crispé aux lèvres pianotait de la main droite sur le rebord de la table pour exprimer son agacement et grommela quelque chose qui ressemblait à de la compassion à l’égard de ceux qui étaient virtuellement l’objet d’une risée aussi récurrente. Des rires graveleux sévirent de plus belle, qui propagèrent une onde de sinistrose parmi les consommateurs attablés à la terrasse. Certains s’en allèrent accompagnant leur départ de bruits de chaises qui se voulaient expressifs, Ludivine entendit Alain Doment évoquer avec commisération le calvaire des Juifs polonais, sans comprendre le rapport.

« Vous me proposiez d’être votre informatrice. J’ai hâte de connaître les Brise-fer. Ils ne s’ront jamais aussi désagréables que ceux-là à mon avis. »