28/08/2007
Le petit jardin
Le triste destin d’un jardin public !
Le petit jardin appelé communément « le fromage » en raison de sa forme, situé au cœur de la cité Grégorj Haï Chouada, est en passe de devenir un vulgaire parking faisant le bonheur des automobilistes, au grand dam des enfants du quartier qui n’ont plus, désormais, que la rue et ses dangers pour se défouler.
Créé il y a quelques années, le petit espace vert agrémentait la cité tout en offrant un terrain de jeu sécurisé à la marmaille du quartier. Il a fallu du temps mais les arbres ont pris racine, offrant une vue apaisante et de l’ombre en été. Mais voilà que suite à son abandon par les services concernés de l’APC et, bien entendu, le comportement irresponsable de certains habitants, le petit poumon réalisé à grands frais a commencé à dépérir.
La disparition du jardin, considérée par certains riverains, comme étant programmée, n’est pas une perte pour tout le monde. Elle peut faire, en effet, le bonheur des camionneurs qui y trouvent un parking tout près des locaux où ils veulent décharger leurs marchandises, et des nombreux clients qui viennent s’approvisionner auprès des grossistes qui pullulent dans le coin. Les arbres, dont un beau mimosa aux longs rameaux flavescents et bien d’autres fleurs de toutes les couleurs qui charmaient le regard, sont morts les uns après les autres. Un habitant qui s’adonne au jardinage à l’intérieur de sa maison, s’est dit étonné que les arbres meurent après avoir atteint leur maturité et soupçonne l’œuvre de quelque main malintentionnée qui prévoit un autre destin à cet espace.
Pour les habitants du quartier, il est souhaitable que les responsables concernés prennent des mesures urgentes pour sauver ce qui peut l’être encore. Il a été constaté, par ailleurs, que les poids lourds ont déjà détruit deux bouches d’égout, les rendant complètement inutilisables, et ce n’était certainement qu’un début si l’on admet que la disparition du jardin peut arranger certains.
B. Ali, Oran
Info/Google
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27/08/2007
Analyse de la nouvelle
«Etre femme est terriblement malaisé, puisque cela consiste surtout à avoir affaire aux hommes.» Joseph Conrad
Nous retrouvons pour notre plaisir le duo fameux Wells/Dobrinsky avec cette analyse de "L’Empire des fourmis"; la nouvelle est, par ailleurs, très bien résumée :
" Comme son titre l’annonce, « L’Empire des fourmis », traite d’une autre victoire (que celle des Cuirassés terrestres), cette fois dans une optique plus littéralement évolutionniste. Au sein d’une nature darwinienne où les espèces s’affrontent, la technique de l’homme représentée par une canonnière moderne, se révèle dérisoire, impuissante à endiguer l’avance destructrice, l’irrésistible ascension d’une armée d’insectes évolués. Le thème principal est donc celui de la précarité de la maîtrise humaine de l’univers.
Outre l’influence diffuse de Swift de l’épisode de Lilliput, la source littéraire principale de ce récit nous paraît manifeste. Il s’agit du cœur des ténèbres, court mais puissant roman de Joseph Conrad, dont Wells allait à nouveau s’inspirer en 1909 dans un épisode de son roman Tono-Bungay. Faut-il rappeler que le texte de Conrad, paru en 1898, relate la lente remontée d’un fleuve sombre, intemporel, le Congo ? Qu’il évoque la traversée archétypique d’une jungle d’une sauvagerie angoissante ? Qu’il y décrit un alignement de crânes d’hommes rongés par des fourmis ? Et même qu’il rapporte, au passage, une canonnade absurde : celle d’un navire de guerre français dispersant des obus dans la forêt ? Wells a écrit, néanmoins, une œuvre originale. Le conflit, chez lui, reste essentiellement extérieur et s’inspire d’une nouvelle hypothèse scientifique. Celle qu’il exploite, d’une invasion meurtrière des saùbas, les fourmis d’Amazonie – l’équivalent wellsien du Congo de Conrad – extrapole à partir de données connues en Amérique du Sud. Quant à l’universalisation conjecturale de la menace, sur laquelle s’achève le récit, elle prolonge les méditations pessimistes de la fin du XIXe siècle, fait, notamment, écho à un article de l’auteur publié à l’époque, intitulé « L’extinction de l’homme » , et participe, mutatis mutandis, d’une même angoisse millénariste que son roman, déjà cité, d’anticipation cosmique, La guerre des mondes.
La part du rêve est ici, comme fréquemment chez Wells, surtout celle de l’horreur : dans l’anthropomorphisme alarmant qui équipe des fourmis innombrables en soldats, leur attribue une stratégie de masse, et un venin qui affole et tue ; dans les descriptions expressionnistes de cadavres déchiquetés aux chairs rongées, au squelette désarticulé. L’hypothèse d’une délectation morose du romancier trouve un certain fondement dans l’insistance qu’il met à peindre ces détails.
L’essentiel de l’action du récit omniscient a lieu sur le navire de guerre brésilien qui s’enfonce dans la jungle immémoriale et menaçante. Classiquement, cette aventure révèle la psychologie des trois protagonistes. Il s’agit du chef mécanicien britannique, témoin et juge de bon sens, mais aussi voyageur déçu dans sa quête d’exotisme ; du lieutenant qui, en mission commandée contre son propre avis, mourra absurdement pour l’honneur de son grade ; et surtout, du capitaine, au centre du tableau, dont émergent à mesure l’incompétence, l’indécision, l’autoritarisme tragique, la couardise, la stupidité…Ce portrait central nourrit une dérision tantôt cocasse, tantôt amère, qui contribue à la vraisemblance prosaïque de l’anecdote. Sur cette base, l’auteur implicite nous offre, en conclusion, une froide chronologie de la conquête prévisible du monde par ses fourmis guerrières : sombre chute de rideau au terme d’une mise en scène mi-naturaliste, mi-bouffonne."
14:35 | Lien permanent | Commentaires (0)
philosopher avec le cinéma
L’espoir du désespéré
Écrit par Olivier Chartrand, La Grande Époque, Montréal.
Le visage couvert de sang, un fusil de chasse à ses côtés, un regard vide et désemparé, c’est comme cela que Réjeanne est trouvée par les policiers sur le terrain d’une somptueuse maison de Westmount, aux fenêtres éclatées. Le dernier film de Bernard Émond, contre toute espérance, trouble et étouffe.
Réjeanne, téléphoniste depuis une vingtaine d’années, vit une tendre histoire d’amour avec son mari Gilles, camionneur. Malgré leur modeste revenu, ils s’achètent la maison de leur rêve tout près du Mont Saint-Hilaire pour y mener une vie simple et paisible. Tout bascule lorsque Gilles fait un ACV dans la nuit et perd certaines capacités physiques et intellectuelles, le forçant à quitter son emploi. La fatalité s’abat sur le couple : en dépit des efforts déployés par Réjeanne pour garder espoir, elle est victime d’une mise à pied massive suite à une fusion corporative. Ils sont obligés de vendre leur maison et de retourner vivre à Montréal alors que Réjeanne doit subvenir à leurs besoins en acceptant des emplois précaires. Gilles, dont la santé s’est détériorée, glisse tranquillement vers la dépression.
Avec "contre toute Espérance", suivant "La Neuvaine" en 2005, Bernard Émond en est au deuxième volet de sa trilogie sur les vertus théologales : La Foi, l’Espérance et la Charité. Le personnage de Réjeanne incarne l’espérance inébranlable d’une femme qui lutte et travaille pour que, malgré les obstacles de la vie, un peu de bonheur émane de son couple. Elle est issue d’une génération qui a tranquillement mis de côté la recherche spirituelle proportionnellement aux conditions de vie qui s’amélioraient et qui,lorsque tout bascule, replonge son regard dans les cieux en demandant pourquoi.
Ce deuxième volet de la trilogie de Bernard Émond illustre bien l’angoisse qu’éprouve l’Homme, face à l’incertitude du destin et de la vie après la mort, en ne trouvant pas le bonheur dans la vie présente. Une critique sociale du néolibéralisme sauvage et de la « main invisible du marché » fait également partie de la réflexion que porte l’auteur sur la condition humaine, la fatalité et la responsabilité de l’Homme quant à celle-ci. La scène silencieuse et remarquablement troublante de Réjeanne entrant dans une église vide, portant sur l’autel un regard de défi, de respect, de désespoir et d’appel à l’aide représente bien tout le questionnement de l’individu face à l’infini et au destin qui frappe.
Les scènes aux longs silences, les multiples plans rapprochés, les jeux d’ombres et de lumières contribuent à livrer poétiquement la création d’Émond. Autant la réalisation que le jeu précis et puissant des comédiens réussissent à nous faire vivre l’angoisse de l’incertitude, et de l’espoir qui s’effrite. D’ailleurs, Guylaine Temblay et Guy Jodoin donnent une admirable performance qui transpire la vérité. Une vérité toutefois étouffante, car circonscrite au malheur d’un seul couple. Comme si rien au-delà de ce malheur n’existait. Les protagonistes ne peuvent trouver la force de continuer qu’avec plus de perspective. On peut se poser la question : « à quoi sert-il de dépeindre la souffrance si aucun espoir n’est présenté ? ». La réflexion ira sans doute plus loin dans le dernier volet de la trilogie d’Émond, qui portera sur la charité.
08:25 | Lien permanent | Commentaires (0)