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27/08/2007

philosopher avec le cinéma

L’espoir du désespéré

Écrit par Olivier Chartrand, La Grande Époque, Montréal.

Le visage couvert de sang, un fusil de chasse à ses côtés, un regard vide et désemparé, c’est comme cela que Réjeanne est trouvée par les policiers sur le terrain d’une somptueuse maison de Westmount, aux fenêtres éclatées. Le dernier film de Bernard Émond, contre toute espérance, trouble et étouffe.

Réjeanne, téléphoniste depuis une vingtaine d’années, vit une tendre histoire d’amour avec son mari Gilles, camionneur. Malgré leur modeste revenu, ils s’achètent la maison de leur rêve tout près du Mont Saint-Hilaire pour y mener une vie simple et paisible. Tout bascule lorsque Gilles fait un ACV dans la nuit et perd certaines capacités physiques et intellectuelles, le forçant à quitter son emploi. La fatalité s’abat sur le couple : en dépit des efforts déployés par Réjeanne pour garder espoir, elle est victime d’une mise à pied massive suite à une fusion corporative. Ils sont obligés de vendre leur maison et de retourner vivre à Montréal alors que Réjeanne doit subvenir à leurs besoins en acceptant des emplois précaires. Gilles, dont la santé s’est détériorée, glisse tranquillement vers la dépression.

Avec "contre toute Espérance", suivant "La Neuvaine" en 2005, Bernard Émond en est au deuxième volet de sa trilogie sur les vertus théologales : La Foi, l’Espérance et la Charité. Le personnage de Réjeanne incarne l’espérance inébranlable d’une femme qui lutte et travaille pour que, malgré les obstacles de la vie, un peu de bonheur émane de son couple. Elle est issue d’une génération qui a tranquillement mis de côté la recherche spirituelle proportionnellement aux conditions de vie qui s’amélioraient et qui,lorsque tout bascule, replonge son regard dans les cieux en demandant pourquoi.

Ce deuxième volet de la trilogie de Bernard Émond illustre bien l’angoisse qu’éprouve l’Homme, face à l’incertitude du destin et de la vie après la mort, en ne trouvant pas le bonheur dans la vie présente. Une critique sociale du néolibéralisme sauvage et de la « main invisible du marché » fait également partie de la réflexion que porte l’auteur sur la condition humaine, la fatalité et la responsabilité de l’Homme quant à celle-ci. La scène silencieuse et remarquablement troublante de Réjeanne entrant dans une église vide, portant sur l’autel un regard de défi, de respect, de désespoir et d’appel à l’aide représente bien tout le questionnement de l’individu face à l’infini et au destin qui frappe.

Les scènes aux longs silences, les multiples plans rapprochés, les jeux d’ombres et de lumières contribuent à livrer poétiquement la création d’Émond. Autant la réalisation que le jeu précis et puissant des comédiens réussissent à nous faire vivre l’angoisse de l’incertitude, et de l’espoir qui s’effrite. D’ailleurs, Guylaine Temblay et Guy Jodoin donnent une admirable performance qui transpire la vérité. Une vérité toutefois étouffante, car circonscrite au malheur d’un seul couple. Comme si rien au-delà de ce malheur n’existait. Les protagonistes ne peuvent trouver la force de continuer qu’avec plus de perspective. On peut se poser la question : «  à quoi sert-il de dépeindre la souffrance si aucun espoir n’est présenté ? ». La réflexion ira sans doute plus loin dans le dernier volet de la trilogie d’Émond, qui portera sur la charité.

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