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26/06/2008

L'homme traqué — Extrait

Il y avait trois semaines que la police recherchait l’assassin de la rue Saint-Denis et que, régulièrement, Lampieur se rendait chaque soir, près des Halles, dans un débit où on le connaissait.

— Ah ! Voilà m’sieur François ! Annonçait aussitôt le patron. Toujours exact : ça fait plaisir !

C’était l’heure vague et vide qui précède celle de l’apéritif. De rares consommateurs, assis sur les banquettes, devant un demi-setier d’aramon, étalaient des mégots qu’ils avaient ramassés dehors et en confectionnaient pour leur usage des cigarettes. Certains, dépliant de vieux journaux, expédiaient un restant d’arlequin. Enfin, près de la porte, une femme sans âge qu’on appelait « la mère Tout le monde » regardait dans la rue et guettait l’arrivée des habitués pour les implorer, un à un, d’un air digne.

Étrange retraite que ce débit ! Resserrée en façon de couloir, malpropre, pleine d’une poisseuse humidité… Mais elle avait son caractère, quand, se mêlant aux malheureux qui en formaient la peu brillante pratique, des prostituées en cheveux et grossièrement maquillées y venaient à la nuit se chauffer près du poêle. On voyait, là, Renée qui portait un chandail, Mme berthe et son parapluie, Gilberte la poitrinaire, la grosse Thérèse, Yvette, Gaby, Lilas, une Bretonne, et Léontine dont on racontait qu’elle s’était enfuie de sa famille pour « faire la vie ».

Lampieur connaissait plusieurs de ces filles qu’il croisait invariablement aux alentours d’un hôtel borgne, quand il allait à son travail. Parfois, elles lui disaient bonsoir.

— Bonsoir ! répondait-il ; et il passait sans s’occuper de leur manège, le long des magasins fermés.

À minuit, elles étaient encore là, sur les trottoirs dont elles frappaient l’asphalte des hauts talons de leurs bottines, et cinq ou six d’entre elles, qui remontaient, très tard, la rue Saint-Denis, s’accroupisssaient devant le soupirail de la boulangerie et demandaient qu’on leur vendît un morceau de pain chaud. Elles avaient une ficelle qu’elles jetaient tour à tour dans la cave avec des sous, et elles attendaient, pour la retirer, que le morceau de pain, noué à son extrémité, y suspendît son poids.

Lampieur abominait ces filles. Leurs voix rauques effrontées qui le hélaient de dehors, leur présence dans la rue, à cette heure où n’erraient plus que les agents, des passants isolés, des ivrognes et ces ombres singulières qui semblent se mouvoir sans corps, lui étaient insupportables.

Qu’avaient-elles donc à l’appeler ainsi ? C’est bon ! Il y allait. Pas la peine de faire tant de bruit ! Pour douze sous de pain ! Et qu’est-ce qu’elles fabriquaient, maintenant, au lieu de tirer leur ficelle ?

— Bon Dieu ! criait  Lampieur, faut-il vous le monter ?

C’est qu’il ne pouvait voir sans déplaisir, le long du mur, cette ficelle qu’aucune main ne paraissait tenir, car elle lui rappelait l’horrible nuit où, de retour dans la cave qui servait de fournil, il l’avait trouvée là, qui pendait, inerte, du soupirail, comme à présent. Qui l’y avait lancée, durant son absence ? Lampieur n’osait pas se le demander. Et il était resté, béant, à la considérer, sans trouver rien d’abord à se dire pour reprendre courage. À la fin, cependant, il avait ramassé la ficelle dont un bout traînait sur le sol et il y avait attaché un gros quignon de pain. Puis il ne s’en était plus soucié et quelqu'un était venu qui, de la rue, avait remonté le pain et la ficelle, en silence, sous la pluie qui tombait.
Francis Carco

10:41 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1)

24/06/2008

Jardin

L’empilement provisoire de petites caisses à trous autour du rosier, en guise de « déroute-chats » n’est pas très esthétique mais l’enjeu en vaut la peine.

Ce sont des œillets d’Inde, escomptés gardes du corps  (selon toute probabilité, censés retarder l’ennemi), qui entourent la clématite. Aucune attaque à déplorer pour le moment, pas même de limace. Par beau temps, il faut plutôt craindre les araignées. Quelques-unes s’en sont d'aileurs pris au mimosas qui a plutôt bien résisté. Excellemment bien protégé : le basilic cultivé sur les châssis de fenêtre du premier étage, qui se porte comme un charme. Victoire d’autant plus satisfaisante que chaque année, replanté à même la terre, il fane très vite (en prévision des attaques...)  … et le laurier de la butte, j’oubliais, verni celui-là de pied en cap.
Mais revenons à l’étonnant fringant basilic qui semble approuver le jardinage sur balcon comme probablement beaucoup d’autres plantes à l’abri de leurs principaux agresseurs. Qu'attendent les citadins résidant en immeubles encore hésitants pour faire  le régal des abeilles ?

10:13 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)

23/06/2008

MédiaPart : hommage à Jacques Derrida

"Quelle heure est-il ? Il est tard de t’écrire – comme depuis toujours : tel est le dessein de cette différée, correspondance ou écriture. Comment est-ce que ce qui est différée, et qui diffère, peut-elle jamais correspondre ? et qu’en est-il de l’heure de l’écriture, de cette écriture qui est la sienne ? Fait-il jour ? Lequel ? Et quoi de rêve en elle ? Quand s’éveille-t-il ce rêve ? Veille-t-elle à discerner ses débuts ? Entre veille et réveil : quelle heure est-il ? De quelle heure sont elles, correspondance ou écriture ?"

MédiaPart 

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