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12/04/2008

Autre dernier extrait du même article

« Présenté pour la première fois à un public national en juillet 2004, lorsqu’il présenta un discours devant la convention démocrate, celui qui était alors candidat au Sénat dans l’État de l’Illinois conquit les délégués (et les médias) en appelant, loin de toute idéologie précise, à croire en la communauté et en la citoyenneté. Son discours est devenu célèbre :

 

« Il n’y a pas une Amérique progressiste et une Amérique conservatrice - il y a les États-Unis d’Amérique. Il n’y a pas une Amérique noire et une Amérique blanche, une Amérique latina et une Amérique asiatique : il y a les Etats-Unis d’Amérique ( … ) Nous vénérons un Dieu tout-puissant dans les États bleus ( à majorité démocrate), et nous n’aimons pas que les agents fédéraux fouinent dans nos bibliothèques dans les États rouges (à majorité républicaine). Nous préparons les championnats de basket dans les États bleus et nous avons des amis gays dans les États rouges. Des patriotes se sont opposés à la guerre en Irak et des patriotes l’ont soutenue. Nous sommes un seul peuple, nous avons tous prêté serment d’allégeance au drapeau, nous défendons tous les Étas-Unis d’Amérique. »

 

Lors des ses meetings électoraux - que certains observateurs ont comparé à des offices religieux -, M. Obama indique systématiquement à ses partisans que tous les Américains, quels que soient leur race, leur couleur ou leur genre, peuvent connaître la prospérité. Son propre nom, nous explique-t-il, résume les bienfaits des Etats-Unis : « Mes parents m’ont donné un nom africain, Barak, qui veut dire « béni », en pensant que dans une Amérique tolérante le nom que l’on porte n’est pas un obstacle à la réussite. Ils ont imaginé que j’irais dans les meilleures écoles du pays, bien qu’ils ne fussent pas riches, car dans une Amérique généreuse vous n’avez pas besoin d’être riche pour réaliser votre potentiel. »

 

Le sénateur présente sa candidature comme post partisane et post raciale visant à rassembler tout le monde dans un consensus en faveur du « changement. » Même vague l’idée percute. Elle permet aux partisans du candidat de se fabriquer une image de M. Obama indépendamment du programme qu’il porte. Ce n’est pas que le prétendant démocrate évite de s’engager (il l’a montré à propos de l’Irak), mais plutôt que ses sympathisants négligent parfois ses prises de position, leur préférant la représentation d’ensemble qui leur est communiquée.

 

Dans son message, la convergence entre la forme et le contenu n'est nulle part plus apparente que dans le slogan « Oui, nous pouvons » (Yes, we can), lequel incarne les thèmes universalistes de l’intégration et de la tolérance dans un style question-réponse évocateur de la tradition participative de l’église afro-américaine. En somme, le candidat représente l’apothéose de l’universalisme démocrate que le parti affirme depuis un demi-siècle.

 

Au cours de la campagne, il a subi des attaques répétées - M. Clinton d’abord, puis le sénateur républicain John McCain l’ont accusé de se contenter «  uniquement de rhétorique », manquant de substance et de poids. On lui reproche une connaissance sommaire du fonctionnement de l’appareil d’État et l’absence de programme clair.

 

Ces griefs expriment une inquiétude légitime. Mais la politique est aussi une affaire de langage fort, évocateur, de « poésie » (pour reprendre cette épithète qui se voudrait disqualifiante apposée à M. Obama). Les mots, et la capacité de les prononcer, représentent l’art de la profession, car la politique est un art rhétorique. Les Américains ont écouté Ronald Reagan ; ils ont plutôt aimé ce qu’ils entendaient. On ne peut guère en dire autant de l’actuel président ou de son père.

 

De la même manière, M. Clinton se distingua de presque tous les autres candidats démocrates récents à la présidence (y compris son épouse) par sa maîtrise de l’art de la communication, sans laquelle l’homme ou la femme politique ne peuvent accomplir grand-chose. La sagesse populaire (dont la candidate Hillary Clinton se fait sans cesse l’écho) voudrait que, si l’on mobilise un électorat sur le mode de la poésie, on gouverne une nation sur celui de la prose. Mais à l’âge de la campagne électorale permanente, il importe de maîtriser en permanence les deux registres. Que les dirigeants américains considérés comme les plus grands soient ceux dont on se rappellent les paroles n’a rien d’accidentel. »

Extrait de l’article de John Gerring et Joshua Yesnowitz paru dans Le Monde diplomatique.

 

 

09:26 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (2)

11/04/2008

Extrait d'un article

du Monde diplomatique :

« Ainsi , M. Obama apparaît comme un palimpseste sur lequel le monde a superposé de nombreux sujets.

 

C’est un messager, mais non un architecte du Parti démocrate moderne. Nouveautés mises à part, sa candidature reprend toute une série de thèmes démocrates devenus traditionnels. De la fin du XIXe siècle au milieu du XXe, le Parti démocrate s’est défini par son opposition à la concentration du pouvoir et de l’argent dans la société américaine. Les candidats démocrates à la présidence - dont William Jennings Bryan (1896, 1900, 1908), Thomas Woodrow Wilson (1912, 1916), Franklin Delano Roosevelt (de 1932 à 1944) et Harry S. Truman (1948) - ont fait campagne pour le « peuple » et contre les « groupes d’intérêt ». Leur vision plébiscitaire du pouvoir politique attendait des « gens ordinaires » qu’ils se gouvernent directement (ou le plus directement possible) et tenaient les lobbys financiers pour corrompus et cupides. Ils fulminaient contre la concentration du pouvoir par les capitalistes, désignés comme les « trusts » ou les « grandes entreprises ». Opposés aux privilèges des élites, les démocrates se voulaient les champions de l’homme ordinaire - supposé blanc et d’origine européenne. L’ère populiste battait son plein.

 

Après la deuxième guerre mondiale, le populisme démocrate s’atténua, ainsi que le manifestèrent les campagnes d’Adlai Stevenson (1952, 1956), de John Fitzgerald Kennedy (1960), de Lyndon Baines Johnson (1964) et de Hubert Humphrey (1968). L’antagonisme entre classes sociales passa au second plan. Certes, les démocrates d’après-guerre défendirent les réformes sociales de l’époque du démantèlement des cartels (Progressive Era) puis de celle du New Deal, et cherchèrent souvent à en étendre le champ (notamment en matière de retraites). Néanmoins, toutes les références à la « lutte des classes » disparurent de leur discours public, les démocrates y substituant un appel à l’union universelle de l’ensemble des races, des croyances et des classes. »

Extrait de l’article L’audacieux pari de Barack Obama, du Monde diplomatique ( page 1 et 12) auteurs : John Gerring et Joshua Yesnowitz.

15:29 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

10/04/2008

Condition de la femme

"John dormait et je répugnais à l’idée de le réveiller, aussi suis-je restée immobile, à regarder s’étirer cette clarté ondoyant sur le papier peint - jusqu’à en avoir des frissons. La forme floue derrière le motif paraissait agiter le papier comme si elle voulait s’en échapper. Je me suis levée sans bruit pour toucher le papier et voir s’il bougeait vraiment. Quand je me suis recouchée, John était réveillé.

Qu’est-ce qu’il y a, ma petite fille ? a-t-il demandé. Cesse de te promener comme ça tu vas prendre froid !

J’ai pensé que c’était une bonne occasion pour lui parler ; je lui ai dit que mon état était loin de s’améliorer et que j’aimerais qu’il m’emmène hors d’ici.

Mais ma chérie ! la location prend fin dans trois semaines et je ne vois pas comment nous pourrions partir avant : chez nous, les travaux ne sont pas terminés et il m’est tout à fait impossible de quitter la ville actuellement. Bien sûr, si tu courais le moindre risque, je trouverais le moyen, je le ferais, mais tu vas vraiment mieux, chérie, que tu t’en aperçoives ou pas. Je suis médecin, ma chérie, et je sais. Tu as pris du poids et des couleurs, tu as meilleur appétit, je me sens vraiment rassuré à ton sujet.

Je n’ai pas pris un gramme, ai-je répondu, j’aurais même plutôt maigri, j’ai peut-être meilleur appétit le soir quand tu es là, mais le matin, quand tu t’en vas...

Le petit cœur adoré, m’a-t-il dit en m’étouffant d’un baiser, il sera malade autant qu’il voudra ! mais en attendant, essayons de dormir, nous en reparlerons demain matin.

Alors, tu ne veux pas partir d’ici ? ai-je demandé, l’air triste.

Comment le pourrais-je, chérie ? Il ne reste plus que trois semaines, après quoi nous ferons un beau petit voyage de quelques jours en attendant que Jennie prépare la maison. Je t’assure, chérie, que tu vas mieux !

Physiquement peut-être, mais...

Je me suis arrêtée net car il s’était redressé et me lançait un regard si sévère, si lourd de reproches que je ne pouvais plus articuler un seul mot.

Ma chérie, dit-il, je t’en supplie, pour l’amour de moi, de notre enfant, de toi-même, ne permets plus un seul instant à une telle idée d’envahir ta pensée. Il n’y a rien de plus dangereux, de plus destructeur pour un tempérament comme le tien. C’est une idée absurde et fausse. Je te l’affirme. Ne peux-tu faire confiance au médecin que je suis ?

Alors, bien sûr, je n’ai rien ajouté et nous nous sommes rendormis. Il me croyait endormie la première, mais je ne l’étais pas, et je suis restée là, étendue, éveillée pendant des heures, essayant de démêler si les deux motifs du papier peint bougeaient ensemble ou séparément."

Texte sur ce site

Charlotte Perkins Gilman

09:07 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)