22/07/2012
discussion
L’énorme main de Janin enveloppa celle de la volcanologue. Enfin son visage s’éclaira d’un sourire qui lui réchauffa le cœur d’un coup. À quelques mètres de là Hector n’en croyait pas ses yeux. Janin, censé protéger Géraldine "des coups bas de la vie", Janin qui était fait tout d’un bloc, dont on ne s’attendait pas à ce qu’il cède à une impulsion contraire, dont on ne s’imaginait pas qu’il pût même en avoir si l’on se fiait à son parfum d’intégrité était en train de se laisser séduire. À cette minute, ses grosses paluches ne lâchaient plus celles de son interlocutrice, enfouies dans les siennes. Si Géraldine entrait à ce moment et voyait cette scène, elle ne la supporterait pas, pas plus qu’elle n’avait supporté ce qu’elle avait vécu comme une volte-face vertigineuse de sa part, lorsqu’il l’avait trahie avec son ancienne femme. Géraldine était devenue une écorchée vive il le savait, et ce, bien qu’elle ait l’air d’être retombée sur ses pattes. Il quitta ses interlocuteurs, et s’en fut au bar où n'étaient servis que des jus de fruits. Dora allait bientôt se mettre à minauder, une colère froide le tourmenta ; Hector se tourna vers Jeudi qui s’appliquait à les ignorer. De l’avis d’Hector, Jeudi, depuis peu, souffrait d’une sorte de "complexe du redevable", ne se sentant pas à la hauteur de celui qui lui avait sauvé la peau ; Jeudi pouvait aussi être « bon et con à la fois » lorsqu’il s’agissait de Dora, Hector se souvint que, après la victoire de son humanoïde, Jeudi n’avait vu dans son comportement qu’une espèce de légitimité, en ce qui concernait Dora, Jeudi, sans nul doute, l'avait promue déesse. Géraldine était en train de lui sourire, Hector dissimula sa surprise par un ton désinvolte
— On ne te vois pas arriver chérie, tu te déplaces comme une sioux. Tout le monde discute à propos des mesures gouvernementales.
— Tu es jaloux ? Tu semblais absorbé dans la contemplation de Dora et Janin.
— Non. Je me faisais du souci pour toi. Cette amitié entre Janin et Dora est un peu incongrue non ?
— Janin fait ce qu’il veut, je ne suis pas possessive en amitié, au contraire. En amour, si. Je me suis assez déçue d’éprouver ça… Après, j'ai bien peur de t'avoir jugé comme tu le mérites.
— C’est le vide de l’absence qui a provoqué l’émotion. Le sentiment de trahison est ressenti comme un vide, le sol se dérobe sous les pieds. Le jugement ne vient qu'ensuite, tu as raison. On juge, puis éventuellement on s’en veut de juger, on se sent un peu perdu … et finalement tu as pensé que personne ne vaut la peine qu‘on se perde pour lui. On n’est pas salaud en raison de la douleur qu’on cause sur le moment, mais quand on s’obstine à continuer à la faire endurer, par indifférence ou sadisme. Je ne suis pas un salaud. Ce sauvetage m’avait mis les nerfs à rude épreuve et j‘ai oublié l‘essentiel…
— Tu aimes toujours Dora.
— Différemment. Plus comme amante, c’est fini. Comme l’une de mes filles, bien qu’elle soit la mère de mes filles.
— Je t’appellerai un jour, j'espère que tu seras là.
Ils décidèrent d’aller discuter politique avec Dora et Janin.
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19/07/2012
Janin
Janin venait de donner une petite tape amicale sur le postérieur de Dora qui se retourna vivement vers lui, par réflexe. La fesse pour Janin faisait souvent fonction d’épaule où il pouvait simplement signaler sa présence, cela en raison de sa petite taille. Comme il n’aimait pas se décrocher le cou, il l’invita, ainsi que le docteur Dross à aller s’asseoir en sa compagnie dans le grand salon. Il avait envie de parler de choses sérieuses avec eux leur annonça-t-il. Dora avait pâli, le volcan était pacifique en regard de l’ouragan qui déboulait sur elle. Jeudi et Hector ne vinrent pas les rejoindre, ils se contentèrent de jeter un coup d’œil dans leur direction. Le bonhomme l’impressionnait, son visage incarnait une volonté farouche surtout marquée par le regard, par instant ses paupières cillaient nerveusement, en de furtifs battements rapides, et faisait se renforcer l’impression d’un homme d’une fermeté indéfectible. Le docteur Dross et Dora suivirent ce tigre de chair et d'os jusqu’à une table basse autour de laquelle ils s’installèrent. Il ne fut pas question de Géraldine et de sa détresse comme s’y attendait Dora mais de réflexion autour de la nouvelle configuration sociale que les derniers événements allaient engendrer. Les Bléassenghs allaient retrouver leur forêt, exclusivement, ce qui ne laissait présager rien de bon sur un plan humain, sûr qu’ils s’en prendraient aux huttes des gueux, leur dit-il, à leur potagers, ils les forceraient à quitter les lieux et s’accapareraient des loups qu’ils mettraient tout simplement dans une réserve, derrière des barbelés, le départ d’Hector, ce traitre qui leur avait préféré Jeudi et ses acolytes ne devait pas vraiment les soulager parce qu’il était lié à la désinstallation méthodique de la base aéronautique mais d’un autre côté affirma Janin, il n’était pas mécontent du départ d’Hector, des pilotes, des ingénieurs de l’aéronautique qui ne faisaient qu’alimenter le consumérisme ambiant, ce qui à ses yeux, était un désastre écologique. « Les humains avant tout ! » conclut-il en tapant du poing sur la table basse dont le docteur Dross vérifia que le bois avait résisté.
— Vous ne m’en voulez pas pour Géraldine alors ?
Questionna Dora
— Du point de vue même de son intérêt personnel, Géraldine doit rester seule durant une certaine période… disons, le temps comme elle dit, de se retrouver. Je crois qu’Hector lui a fait peur, elle me dit qu’il lui a « fait froid », comme une enfant. Et, figurez-vous que c’est en compagnie des gueux qu’elle se retrouve. Je l’entends rire souvent avec eux, malgré la différence de génération, c’est elle leur professeur, et cela se passe très bien. Certains deviendront plus forts en maths que leurs rejetons qu’ils ne voient pas souvent et qui les méprisent tant. Les méfaits du consumérisme. Les gueux se mettent à faire des œuvres d’art ensemble, avec elle. Des sculptures notamment, qu’ils exposent dans la forêt. Ils vont devenir de sérieux rivaux des Bléassenghs qui ont pris l’art comme une chasse gardée de leur enfants.
Dora resta songeuse un moment et déclara :
— En général Géraldine préfère la compagnie des personnes plus âgées qu’elle, comme si les gens de sa génération lui faisaient un peu peur…
— Oui, cette peur lui fait prendre de drôles de détours. La solitude l’a conduite à se passionner pour les maths, à prendre pour amant quelqu’un de la génération de son père et maintenant la voilà à faire de l’art avec les gueux. C’est quelqu’un de secret. Mais la voilà engagée dans la cause de l’écologie, si Hector l’y rejoint, il faudra qu’il choisisse entre sa passion de la robotique, du numérique, de l’aéronautique et l'écologie. Parce que nous allons mener une bataille pour réglementer tout cela : la protection de la planète avant tout.
— Lorsque j’étais mariée à Hector, tout cela était déjà un sujet de dissension entre nous. Mais ce n’est pas lui qui a inventé la robotique, quand il est venu au monde les robots existaient déjà depuis longtemps. Lui fait partie de ceux qui les font servir pour le bien. Dernièrement il a sauvé Jeudi avec son dernier prototype d’humanoïde. Ce robot ressemble à un vrai homme, à s’y méprendre. Tom lui a d’ailleurs serré la main en toute bonne foi.
— Vous imaginez toutes les dérives que ce genre d’invention peuvent causer. J’en connais qui pourraient s’en servir comme de kamikazes pour faire exploser notre installation hospitalière par exemple…
— Si l’on décidait de se débarrasser des robots, que deviendrait Hector ?
— Mais nous ne sommes pas à l’abri de pannes, ou de nous retrouver à cours d’énergie, propres ou moins propres répondit Janin et il déclara qu‘il le voyait bien en jardinier.
— Je le prendrai comme assistant plaisanta Dora
— Vous ne voulez surtout pas le perdre de vue. Cela ne sera pas évident pour Jeudi, il n’avait pas pensé à ce retournement de situation. Au fait que vous vous montriez très attachée de nouveau à Hector, on ne pourra pas éviter l’amertume d’un côté ou de l’autre.
— Nous avons tous notre part de solitude. Géraldine a raison, elle nous permet de nous retrouver répondit Dora.
L’énorme main de Janin enveloppa celle de la volcanologue. Enfin son visage s’éclaira d’un sourire qui lui réchauffa le coeur d'un coup.
10:46 Publié dans Texte à suivre | Lien permanent | Commentaires (0)
18/07/2012
Monde civilisé
Lecture qui peut faire du mal, mais un mal pour un bien, espérons-le. Cliquez sur ce lien : http://www.laviedesidees.fr/Qui-ecrira-notre-histoire.html
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