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09/05/2012

Réunion exceptionnelle - Suite des Marcheurs

Le conseil municipal

Le conseil de la ville de Bléassent — rapidement traversée par les trois marcheurs avant qu’ils ne s’aventurent dans la Forêt — s’était réuni en session exceptionnelle sous l’initiative de Madame Piéaumur, gérante de l’hôtel Oasis, pour régler diverses questions concernant l’affaire des touristes. Le président Todi est en train de parler alors que vous et moi, lecteurs bien avisés, arrivons à l’improviste en pleine séance :

— Madame Piéaumur, je sais votre attachement à cet être exceptionnel qu’est Le Noble, cavalier émérite s’il en est, lui-même profondément attaché à notre région. Le problème qu’il soulève mérite réflexion en effet, je crains moi aussi que les terres dédiées aux tourisme ne rétrécissent comme peau de chagrin au profit de la zone réservée aux Glorieux si nous ne manifestons pas notre désappointement, voire une certaine colère auprès de ces derniers. J’aurais donc parfaitement compris que Le Noble ait enfreint le règlement et se soit aventuré plus loin qu'il n'est permis aux touristes, si cela n’était devenu chez lui une habitude. Je pense que ces provocations réitérées finiront par nous valoir un blâme pour non dénonciation, sinon pire. Imaginez que les Glorieux, outragés, ne menacent de remettre en cause les nombreux privilèges dont nous bénéficions... ces merveilleux voyages en fusées par exemple, ces soins particuliers et gratuits qui entretiennent si bien notre santé que nous comptons moult centenaires dans notre communauté ... Nous ne pouvons   cautionner, tout bien considéré, aucune forme de rébellion que ce soit, émanerait-elle du plus éminent de nos Maîtres Chien. Il en va je pense de la préservation de notre mode de vie. Nous n’avons jamais éveillé le courroux des Glorieux,  je n’ai aucune idée de leur manière d’agir en cas de désobéissance caractérisée. Combien de fois, m’avez-vous dit, Monsieur Le Noble s’est-il rendu dans la zone Interdite sans la moindre autorisation ?

— Mais enfin Monsieur le Président, cher monsieur Todi, enfin ! Je ne vous ai pas demandé de nous réunir pour que nous fassions le procès de Le Noble, en effet, merci de l’avoir rappelé, émérite Maître chien, et qui plus est ingénieur non moins émérite en son pays. Monsieur Le Noble a en sa possession des brouilleurs d’ondes, jamais Les Glorieux ne pourront déceler sa présence dans la zone interdite, ne vous souciez pas de cela, il est lui aussi une sorte de savant glorieux en son genre. Ce qui me préoccupe et ce pourquoi j’ai mandé cette réunion exceptionnelle ce sont les récentes découvertes de Le Noble concernant la zone verte  qui mettent en exergue une forme d'abus, j'ose le dire, de la part des Glorieux à notre encontre.

Il y eut un mouvement d'effroi dans la salle et une chorale de "Oh !" et de "Ha !" navrés mais madame Piéaumur n'en avait pas fini avec sa propre inquiétude et reprit :  

— Parlons sans détour ! Ce qui nous préoccupe en l‘occurrence, c’est le témoignage de notre ami concernant les allées et venues dans la zone interdite de notre chère zone verte. Le Noble a vu de ses yeux vu, un résident occasionnel de mon hôtel, un certain Monsieur qui se fait appeler Jeudi, aller à la rencontre des trois marcheurs qui normalement auraient dû se faire dézinguer par les loups en deux temps trois mouvements.Mais ce n'est pas tout ! Je ne vous ai pas tout dit et vous avez droit à être informés ...

— Au fait, Madame Piéaumur, je ne comprends pas vraiment pourquoi ce Monsieur Jeudi et Le Noble, ne se font pas, comme vous dites, dézinguer eux-mêmes par ces bêtes.

Madame Piéaumur prit l'air patient d'une mère aimante face à un enfant capricieux et donna quelques précisions : 

— Vous n’êtes pas sans savoir que Monsieur Jeudi travaille pour les Glorieux, et que Le Noble, en tant que scientifique, sans être du pays, a le moyen de se procurer les appareils à ondes répulsives. Je sais que votre honorable passion pour les chiens vous occupe entièrement Monsieur le président mais, sans vouloir vous offenser en quelque façon, il vaut mieux se tenir informé concernant ce qui a trait à la science, sinon les événements et divers phénomènes qui se produisent chez nous nous deviendront de plus en plus incompréhensibles, hors de notre portée et nous ne pourrons plus agir sur eux. Or l’heure est grave, non seulement les marcheurs ne sont pas morts comme nous l‘espérions ... ils continuent de déambuler chez nous, mais, cerise sur le gâteau ! Le Noble les a vus converser avec Monsieur Jeudi qui les hébergerait et ... plus alarmant encore... il a vu un monstre aux mains énormes s’occuper du plus jeune des marcheurs, celui que Monsieur Le Noble a repéré comme étant probablement atteint d’une maladie neurologique. Il a vu ce monstre apaiser le jeune homme ! Pourquoi pas le guérir tant que nous y sommes ! Sans passer par aucun protocole et sans mérite aucun, ce jeune homme d’après les conjectures de Le Noble, bénéficierait des soins d’un Glorieux qui serait donc d’aspect monstrueux à l’en croire.  

 

05/05/2012

Le Bazar Organisé

Le Bazar Organisé, une émission pas mal du tout qui abordait ce matin le thème du Polar : "Le Polar, un agent de l'Etat ? Elementaire, mon cher Watson". Suivez ce lien pour l'écouter  : http://www.franceinter.fr/emission-le-57-du-week-end-baza... 

04/05/2012

Mise au point d'Odette

Odette sentait confusément qu’ils n’avaient rien à perdre et fit le point de la situation. Les souvenirs de Louradie où ils avaient laissé leur maison en piteux état lui ôtaient tout envie de retourner là-bas. Les événements se précipitaient en ce 26ème siècle, que de changements en peu de temps ! en quelques mois, des cloisonnements entre les régions du pays s’étaient constitués on ne sait trop par quels processus et empêchaient l’information de circuler normalement, il s’agissait plutôt de rumeurs et de contre-rumeurs, démentis qui à leur tour apportaient leur lot d’incertitudes. En Louradie déjà il avait fallu partir faute de médecins, ici on trouvait pléthore de gens qualifiés en toute discipline mais les choses s’étaient configurées de façon tellement bizarre qu‘il valait mieux se trouver « du bon côté de la barrière », être considéré comme gueux vous ôtait d’emblée tout espoir de logement mais que dire du sort de l’étranger isolé et en mauvaise santé à en croire Jeudi. Divers signes avant-coureurs dont notamment celui du cavalier, confortaient sa confiance envers un Jeudi qui pouvait éventuellement mentir mais accessoirement. Nul doute pensait Odette qu‘ils auraient été en grand danger s’ils n’avaient pas fait cette rencontre providentielle avec l’homme de réseau qu‘il était. Eux qui avaient des allures de vagabonds à force de toilette hâtives aux divers points d’eau trouvés en chemin. En zone grise déjà, les instituts de soin s’étaient en grand nombre métamorphosés en petits foyers d’accueils ordinaires, mais ici on avait passé la mesure, d’après Jeudi, l’intolérance des habitants était à son comble et leur salut, elle en était assurée, viendrait pourtant de ce lieu où une géopolitique tortueuse offrait des échappatoires. Elle regarda Peter, en train d’écouter tranquillement un homme de petite taille et aux grandes mains, un être surprenant, qui lorsqu’ils l’avaient rencontré en chemin brandissait sur son énorme poing, sa fille Janon qui s‘y tenait tranquillement assise comme sur un siège. Jeudi avait salué ce qui semblait être une vieille connaissance. Ce petit homme dont le nom était Janin rassurait en ce moment Peter à propos des chiens ; contrairement à Jeudi il avait deviné que son fils nourrissait, en plus d’autres phobies qu‘il partageait ou non avec ses parents, une grande peur des canidés, et venait juste de comprendre ce que signifiait le mot -loup-. Odette replongea dans ses pensées. Que de progrès ce Peter avait-il fait depuis leur départ ! bien qu’il ait gardé longtemps ses fâcheuses habitudes avant que son état ne s’améliore de cette façon. Ses habits étaient reprisés à maints endroits, ses cheveux encore en broussaille, et sa barbe mal rasée ; les quelques « gueux » aperçus dans la zone verte, du fait de leur bonne santé, présentaient mieux que lui, eux se rendaient aux douches municipales, et recevaient aussi des soins élémentaires, d’après les renseignements fournis de Jeudi. On les reconnaissait à ce qu’ils étaient toujours accompagnés d’un chien, en plus de leur mine lasse, résignée, et à l’attitude étrange qu’ils adoptaient vis-à-vis de leur animal. Ils se comportaient avec leur bête comme les grand-mères d’autrefois avec leurs chats ou leur caniches, c’était étrange de la part de marginaux pauvres dont on aurait attendu plus de rugosité envers leur compagnon à quatre pattes, ou plus de tendresse virile, ou encore, les manifestations de cette atavique volonté de dominer, propre à beaucoup d’hommes, qu’ils auraient reporté sur leur bête. Au lieu de cela ils avaient plutôt tendance à gâtifier dès qu'ils communicaient avec leur animal, à l’instar des hommes repus de confort que l’on rencontre ordinairement dans les salles d’attente des cabinets vétérinaires. Les propos de Jeudi avaient été suffisamment explicites, ici les chiens cautionnaient leur maître ; grâce à eux ceux qu’on appelait les gueux entretenaient quelques contacts avec les autochtones et recevaient diverses miettes appréciables. Ainsi le sort de ces personnes était-il suspendu à celui de leur chien pensa Odette. De source sûre, les vétérinaires soignaient en effet toutes les bêtes gratuitement, et au passage pouvaient éventuellement faire profiter d’autres êtres de la pharmacopée dont ils disposaient librement. Jeudi avait précisé que les maîtres-chiens étaient nombreux dans cette petite ville, parmi eux on comptait essentiellement les fils de ceux qui avaient été chasseurs de génération en génération depuis la première réintroduction des canidés au 21ème siècle, jusqu’au 25ème siècle où il n’y avait plus un seul loup à tuer parmi ces bois successifs entrecoupés de lacs et de terrains rocheux qui constituaient la zone verte.