01/09/2020
Il a raison ♣♣♣ Retour à Béthune à 14h45
Il a raison d'adopter sa foulée naturelle, mon partenaire de marche. Tant qu'il peut le faire, qu'il le fasse. Il m'arrive de crapahuter dix mètres, voire plus, derrière à travers les ornières, mais une marche trop lente nous prendrait la journée, un luxe en fait, car d'autres choses intéressantes nous appellent, comme les livres.
Je pense aux générations futures et souhaite que le miracle des canaux perdure dans sa forme actuelle. Pas de bateaux plus gros serait le signe d'une exploitation moindre des richesses et donc d'un plus grand respect de la planète. Revenir au tonnage des bateaux Freycinet serait un très bon signe pour l'écologie et le travail pour tous en même temps. Pourquoi pas ? Le respect de la planète et de tout un chacun est en marche.
Il est un peu plus de deux heures du matin. Tout à l'heure nous partons pour une trentaine de kilomètres, de marche en ce qui concerne Patrick et de marche alternée avec le vélo me concernant. J'ai regonflé mes pneus pour les débuts à vélo. Ensuite quand je mets pied à terre, j'ai noté que les roues m'entraînent à accélérer. Sire Patrick n'a plus qu'à bien se tenir, je pourrais lui réserver des surprises au niveau de l'accélération à pied.
♣♣♣
Partis vers huit heures du matin pour notre périple, nous croisons des groupes d'enfants conduits à l'école par des parents à l'air sceptique ou résigné, ou encore satisfait, selon les cas.
Mon vélo est gonflé à bloc, Patrick a chaussé ses bottes de sept lieues, en pur caoutchouc car il n'a pas le cœur à déjà embourber ses nouvelles tennis achetées la veille après-midi chez Décathlon. Pour lesquelles il a eu un gros béguin. Cela me rappelle ces personnes de l'ancien temps qui achetaient des assiettes en porcelaine pour les admirer.
Après une marche d'une bonne quinzaine de kilomètres pour Patrick, et alternée avec le vélo pour moi, nous voici arrivés au but : le pont de la Biette où se trouvent des tables de bois pour les pique-niqueurs. Un jeune cycliste s'empresse de préciser que oui, nous sommes bien arrivés "aux étangs", situés juste derrière le pont. Nous n'avons plus qu'à traverser la route pour y être. Le jeune ado a l'air content pour nous, un peu comme s'il avait parlé à des pélerins qui arrivent enfin au lieu saint vénéré ou à tout le moins, à une escale bien méritée. Il ne doit jamais mettre un pied aux étangs, ou alors il est farceur, car un écriteau signale dès l'entrée "fermé le mardi".
Au fait, il n'était pas à l'école le jeune cycliste ? Nous ne l'avons plus revu. Patrick aperçoit une barrière grande ouverte donnant sur les tables de bois, et de petits étangs. Nous franchissons la barrière, nous installons à une table. Je sors la quiche tandis que Sire Patrick satisfait un besoin naturel derrière un buisson en disant : "Pourvu que personne n'avertisse je ne sais qui qui viendrait nous déloger, c'est encore bien le genre de choses qui peuvent arriver...."
Je coupe la quiche en deux parts égales, les superpose pour m'assurer que je ne vais léser personne. Tout en souriant au pessimisme invétéré de Patrick certains jours. Je sors les compotes et les spéculos, je mords à pleine dents dans ma part de quiche . Patrick prend place, un peu rassuré. Et là, un homme s'adresse à lui en ces termes :
— C'est fermé ! Vous n'avez pas vu l'écriteau ?
— Oui mais la grille est ouverte, insiste Patrick.
Le garde champêtre bougonne quelque chose en fermant un battant de la grille. Et Patrick se met à paniquer, devenu soudain anxieux au possible.
"Vite ! vite ! Dépêche-toi !" dit Sire Patrick. Il balance à tout va tout ce qu'il trouve dans le sac à dos.
En fait, parlant à cet homme, j'ai pu constater qu'il n'était pas méchant. Quelques mots et le voilà radouci. Il dit que non, les étangs de la Biette ne se trouvent pas sur la commune de Busnes, qu'on est encore à Robecq, qu'il ne fait que son travail, bien obligé. Je lui réponds que je comprends.
Patrick pense que quelqu'un a dû téléphoner au garde champêtre, il "ne sent pas les gens du coin". La prochaine fois nous pique-niquerons au Pont où un ange est dessiné en grand, tout souriant, sans remonter le pont. Ainsi nous verrons passer les bateaux en rase mottes. Aujourd'hui, il y avait des bateaux battant pavillon Belge ; une péniche nommée Liberty, était conduite par une femme. Le ciel était beau, parsemé de quelques nuages blancs, l'eau avait des reflets bleutés. C'était une promenade avec des surprises, comme la femme, de loin sur le chemin de halage, apparaissant comme une ombre étrange pendant longtemps avant qu'on puisse distinguer une jeune maman à la peau marron foncé, habillée de noir et portant de longs cheveux noirs, poussant une poussette noire, où dormait un joli bébé à l'allure de bouddah, aux yeux fermés, à longs cils et à la peau marron foncé comme sa maman, un beau bébé étrangement tout vêtu de noir. Si j'avais été Don Quichotte, j'aurais pu la prendre pour un moulin de loin. Heureusement j'ai gardé mon sang froid, jusqu'à voir que non, il ne s'agissait pas d'un fantôme de moulin, mais d'une bien gentille jeune maman.
16:30 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)
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