11/03/2012
Au petit matin
— Do you think we should be leaving ?
— Well, we’d better leave right now.
C’est justement ce genre de dialogue que la logique aurait pu faire tenir aux trois dames vues ce matin sur la Place Foch, mais en picard, ou en français selon le choix de langage de ces trois femmes du cru.
Ç’ aurait donné :
— Té pinses qu’on’d’vro s’in aller ?
— on f’ro bien miu.
La misère en principe est plus facile à vivre au soleil, mais apparemment pas pour elles. Les trois ch’ties bouts de femmes, drôlement fagotées pour deux d’entre elles, mais bizarrement élégantes sont passées côte à côte devant moi, assise dans la voiture ; j’ai levé juste à temps le nez de mon livre, nous nous sommes regardé, souri, elles sont passées. Deux d’entre elles possédaient une poussette remplie d’un bric à brac qui les cachait à ceux qui venaient en face, l’autre poussait une charrette à bras tout aussi bondée. Ambiance à la Steinbeck dans les raisins de la colère sauf que ces dames étaient sereines, en amitié, heureuses entre copines, elles devisaient aussi courtoisement que si elles s’étaient trouvées dans un salon littéraire. Ce n’était pas l’exode en somme, elles donnaient, envers et contre tout, une impression de sécurité. Se rendaient-elles à une brocante ? Non, leur démarche lente suggérait qu’elles avaient tout leur temps pour arriver. Arriver où ? Où qu’elles aillent dans ce petit périmètre artésien, elles se sentaient bien.
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