15/12/2011
Remémoration
Les rêves essaient de nous échapper, ils s’envolent souvent au petit matin comme des ballons gonflés à l’hélium, il ne nous en reste que quelques images, et un vague sentiment d’émerger d’un autre univers. De rêves aux contours vraiment nets, j'en compte seulement deux. Celui du lion dans l’église notamment. Le fauve et moi étions à chaque bout de l’allée centrale, il avançait vers moi lentement et j’étais dans l’incapacité de m’échapper. J'ai entendu dire plus tard que c’était un des rêves les plus banals qui soient mais n'en ai pas retenu la signification établie. J’avais six ans tout au plus quand j’ai fait ce rêve, c’était avant que mes parents n’emménagent dans l’autre maison. À ce même âge, je me suis vue, toujours de l'autre côté du miroir, au bout de l’allée qui menait à notre petite bicoque, sur le talus, au bord de la petite route campagnarde qui s’appelait à l’époque La Miquellerie. Un groupe de gens que je percevais comme menaçants arrivait au loin… je restais encore une fois clouée sur place, incapable d’avertir la famille du danger imminent.
Ensuite quand nous avons emménagé non loin du bourg, dans la maison qui jouxtait un jardinet où se dressait le calvaire le plus impressionnant du village, lequel, je l’ai appris récemment est censé faire partie intégrante de la petite propriété familiale, j’estime que des ennuis d’un certain ordre ont commencé pour certains d’entre nous. Ennuis de santé concernant ma mère, tandis que mon père passait quant à lui entre les gouttes, tout au moins au début. Ensuite, lorsqu’il a été confronté à des soucis de santé moindres, il est toujours retombé sur ses pattes tel le chat Félix, son homonyme. On peut même dire que lui a eu de la chance. Par exemple, alors que beaucoup de ses collègues sont morts du cancer causé par l’amiante, du fait de porter des combinaisons bourrées de cette substance dans le cadre de leur travail commun dans les chaleurs intenses des hauts fourneaux de l'usine, lui en a réchappé et est plutôt en forme aujourd’hui encore. De mon point de vue, je n’y vois pas d’intervention divine ou miracle, si tel était le cas, quel sens donner au privilège dont il aurait bénéficié quand les autres sont morts sous le coup d’un tel avatar. En fait, je ne pense pas que Dieu intervienne directement dans les affaires humaines. Je crois plutôt qu’il nous a laissés dans ce monde avec un peu de lui en nous, un amour à entretenir ou pas… et, pour en revenir aux rêves mémorables de mes six ans, je pense que, malgré les apparences, je devais être plus proche de ma mère que je ne le sentais quand j'étais réveillée. C’est elle en effet qui a été le plus tourneboulée lorsque nous nous sommes sensiblement rapprochés de ce fameux village que j'aime néanmoins. J’en ai senti un contrecoup assez conséquent en me retrouvant quasi anorexique à l’époque. Je rejetais la nourriture en douce quand je ne m’étranglais pas à moitié à cause de la difficulté à l'avaler. « Sec comme un coucou », insortable par grand vent comme plaisantait mon père, et ce, durant une certaine période « de vaches maigres ». Je me suis discrètement remise sur pieds ensuite, tandis que ma mère continuait son périple médical. Quand je pense que la petite bicoque que nous avons quittée n’était qu’à deux kilomètres, au plus, de notre nouveau domicile, les choses ressenties par rapport à ce changement de maison me paraissent d’autant plus irrationnelles. Il n’empêche que cette petite remémoration matinale m’amène à accorder plus d’importance encore aux rêves. Non pas, à cause de leur aspect prémonitoire mais parce qu’ils nous incitent à réfléchir, à "voir venir". Ce qu'on nomme anticipation.
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