21/10/2011
Les prisonniers de la machine
Les prisonniers de la machine par Fred Saberhagen
À propos de l'auteur : « Son œuvre majeure est la série de romans et nouvelles Berserker (les berserkers sont des machines programmées pour détruire soit toute vie, soit certaines formes de vie) » Wikipedia
Le berserker était un astronef géant, une machine de guerre conçue pour détruire l'homme, une relique d'une race inimaginable et disparue.
L'extrait :
"Ce n'est qu'une machine, Hemphill. » dit le mourant d'une voix débile. Hemphill, qui flottait en apesanteur dans la pénombre, entendit ces mots avec un vague sentiment où le dédain se mêlait à la pitié. Que le pauvre diable parte donc sur la pointe des pieds, en oubliant tout ce qui faisait l'univers, si le passage lui semblait plus facile ainsi !
Hemphill regardait sans désemparer, à travers le hublot, la forme sombre et crénélée qui masquait tant d'étoiles.
De tous les compartiments du vaisseau assurant le transport des passagers, seul le dernier restait encore vivable, et les trois personnes qui l'occupaient entendaient l'air siffler par des fuites qui ne tarderaient pas à épuiser les réservoirs de secours. L'astronef n'était plus qu'une épave bosselée, démantelée et pourtant l'image de l'adversaire demeurait stable. Sans doute une force émanant de l'engin ennemi retenait-elle l'épave de se mettre à tanguer.
À ce moment, la jeune femme qui constituait le troisième occupant du compartiment vint lui toucher le bras, après quelques évolutions rappelant les mouvements d'une nageuse. Elle devait s'appeler Maria Quelque Chose, pensa-t-il.
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« Écoutez, » commença-t-elle, « Croyez-vous que nous pourrions... ? »
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Sa voix n'avait pas l'intonation du désespoir, mais celle de la réflexion, c'est pourquoi Hemphill lui prêta une oreille attentive. Mais elle fut interrompue.
Les murs mêmes de la cabine entraient en vibration, comme les diaphragmes d'un haut-parleur, sous l'impulsion du champ de force ennemi qui étreignait l'épave démantelée comme dans un étau. La voix de la machine étrangère se fit entendre :
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« Vous pouvez toujours m'entendre. Vous vivrez. J'ai décidé de vous épargner. Je vous envoie une vedette de secours qui vous permettra d'échapper à la mort. »
La voix changeait de timbre à chaque mot, car les phrases avaient été formées de bric et de broc, en disposant à la queue-leu-leu des vocables prélevés sur des prisonniers, comme on forme un texte en découpant des mots dans une page de journal. C'était un agglomérat de fragments d'émotions humaines, triés et fixés, tels des papillons sur des épingles. Hemphill en était malade de rage et de dépit. Jamais encore il n'avait entendu, dans sa réalité concrète, la voix d'un berserker, et pourtant elle lui était familière comme un ancien cauchemar. Il sentit la main de la femme abandonner son bras, puis il s'aperçut que, dans sa rage, il avait recourbé ses doigts en forme de griffes et serré les poings dont il martelait le hublot à s'en faire éclater la chair. La chose, la maudite chose voulait l'enfermer dans son sein ! Parmi tous les êtres disséminés dans l'espace, elle voulait faire de lui un prisonnier !
Un plan surgit instantanément dans son esprit, qu'il entreprit de mettre sur-le-champ en action avec souplesse ; il s'écarta du hublot. Il y avait dans le compartiment des tubes pour le lancement de petits projectiles défensifs. Il se souvenait de les avoir vus.
L'autre survivant mâle, un officier du vaisseau qui se mourait doucement des nombreuses blessures souillant de sang son uniforme en lambeaux, comprit les intentions de Hemphill et s'avança en flottant dans les airs pour s'interposer.
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"Vous ne pouvez faire cela... vous ne réussirez qu'à détruire la vedette de secours... à supposer que le berserker vous le permette... il se peut que d'autres passagers... vivent encore..."
Tandis qu'ils voguaient de conserve, Hemphill avait vu le visage de l'autre se tourner dans la direction du plancher. Lorsque, d'un commun mouvement, ils prirent une position normale l'un en face de l'autre, le blessé s'arrêta de parler, parut se résigner et s'écarta d'un mouvement tournant, puis son corps dériva, inerte, comme s'il était déjà mort."
08:37 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
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