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04/09/2007

James Joyce

J’ai acheté hier soir le n°12 du mensuel philosophie magazine, je vous propose d’en lire l’éditorial d’Alexandre Lacroix, qui analyse la démarche de Joyce, « subversif parce qu’il ose mettre sur un plan d’équivalence l’ambition politique et la pornographie sadomasochiste... » :

La scène se passe le 16 juin 1904, à Dublin. Plus précisément rue Mabbot, dans une maison close. Il est près de minuit. Un honorable père de famille est affalé dans les coussins. Tout d’un coup, à la faveur de l’ivresse, déferle une hystérie collective. Tous se mettent à parler et à délirer à tue-tête, non seulement les clients, mais également les objets, les flammes de gaz, les miroirs et les guirlandes. Le père de famille a des hallucinations. Il imagine à ses pieds une foule extatique, une assemblée de dignitaires venant le sacrer « président-roi », « le plus grand réformateur du monde ». « Mes bien-aimés sujets, s’exclame-t-il en brandissant un sceptre, une ère nouvelle va luireJe vous le dis en vérité, l’heure est maintenant proche. Nous entrerons avant qu’il soit longtemps dans la cité dorée qui doit voir le jour… » Mais bientôt, ces rêves de mégalomanie s’évanouissent. Plus de hourras, fin de la cérémonie grandiose. Dans le salon enfumé de la maison close, un être inquiétant vient de faire son apparition : Bello. Ce dernier saisit le malheureux père de famille par les cheveux et le tance violemment : « Voilà une bonne petite fifille…Je veux te corriger pour ton bien juste au bon endroit. » Féroce, Bello énumère les supplices qu’il lui fera subir : « L’anneau dans le nez, les pinces de torture, la bastonnade, le croc de suspension, le knout, je te ferai tâter de tout ça. » Avant de promettre l’agonie « Il est bien possible que je vous fasse abattre dans mes écuries et larder de brochettes pour me payer une tranche de vous bien rissolée et sortant du four arrosée de beurre comme du cochon de lait. »

Ce raccourci saisissant, ce flot hallucinatoire qui va de la grandeur à l’abjection, il revient à l’écrivain irlandais James Joyce de l’avoir décrit dans Ulysse. Dans ces scènes de maison close, les fantasmes à peine avouables de son personnage, léopold Bloom, s’étalent avec une telle liberté que cette œuvre maîtresse a été longtemps censurée, en Irlande et aux États-Unis. Pourquoi Joyce est-il subversif ? Parce qu’il ose mettre sur un plan d’équivalence l’ambition politique et la pornographie sadomasochiste. Plus encore, il dévoile la secrète correspondance qui relie le héros, le bourreau – car Bello est une créature tout droit sortie de l’inconscient de Bloom –, et la victime. Toutes ces figures, avec leurs qualités et leurs vices, Léoplod Bloom, petit bourgeois inoffensif et sensuel, les porte virtuellement en lui. Qui ne s’est jamais rêvé héros ou bourreau ? N’est-ce pas là, le plus souvent, un rêve de puissance, mise au service, tantôt du bien, tantôt du mal ? Ces questions nous révèlent un pan embarrassant de la nature humaine, moins protégée contre les excès en tous genres que ne le croient généralement les moralistes.

Alexandre Lacroix 

 

Commentaires

La meilleure façon de ne rien projeter de nos fantasmes et de nos imperfections sur les autres est de les reconnaître ! Freud nous a bcq instruits à ce sujet.
Je commente le texte que j'ai mis en ligne, sinon il n'y aurait plus véritablement de note !

Écrit par : Sophie | 05/09/2007

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