06/04/2013
Photos prises aujourd'hui
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Destruction d'un coeur - Stefan Zweig
Les textes ne sont pas écrits pour rester lettre morte, ici, avec cette nouvelle de Stefan Zweig, Destruction d‘un cœur, il s’agit véritablement d’une écriture de combat. L’auteur en se battant pour le vieil homme, personnage principal de sa nouvelle, accomplit une mise en garde mémorable. Dans ce récit le personnage principal de Stefan Zweig réagit contre celles qui lui sont devenues d’un coup, « à la faveur » d’une prise de conscience qui a l’effet d’un coup de marteau, complètement étrangères. Hébété, il se rend lui-même étranger dans sa propre maison et ne reconquiert sa dignité que dans un rejet définitif des deux femmes, un rejet qu’il paie de sa santé et qui le conduit à la mort. L’homme quitte la vie peu à peu mais sûrement à cause, notamment, du sentiment de perte, non d’argent mais de temps, que lui a causé l’indifférence ou le mépris à demi avoué de sa fille et de sa femme à son encontre. Faute de se sentir aimé il pense ainsi avoir perdu en quelque sorte sa vie même. Un extrait :
"Lorsque le vieillard se réveilla encore une fois après l’anesthésie, les médecins, voyant la gravité de la situation, firent venir sa femme et sa fille qui, entre-temps, avaient été mises au courant. Ses yeux soulevèrent avec peine les paupières cernées d’une ombre bleuâtre. « Où suis-je ? Semblait-il dire, en regardant fixement la blancheur inconnue d’un local qu’il n’avait jamais vu.
Alors sa fille se pencha pour passer une main caressante sur le pauvre visage délabré. Et soudain, la prunelle qui tâtonnait en aveugle eut un tressaillement, comme si elle reconnaissait la personne qu’il y avait là. Une lueur, une petite lueur surgit dans la pupille. C’était elle, son enfant, cette enfant infiniment aimée, c’était elle, Erna, sa tendre et belle enfant ! Lentement, très lentement, sa lèvre amère se desserra - un sourire, un tout petit sourire, dont cette bouche fermée n’avait plus depuis longtemps l’habitude, apparut timidement. Et, tout émue par cette joie douloureuse, Erna s’inclina davantage pour baiser la joue exsangue de son père.
Mais soudain - était-ce le parfum douceâtre qui le fit se souvenir, ou bien son cerveau à demi engourdi se rappela-t-il ce moment qu’il avait oublié ? -, soudain un changement terrible se fit sur les traits qui, un instant auparavant, paraissaient si heureux : les lèvres décolorées se resserrèrent brusquement avec une furieuse hostilité, la main sous la couverture s’efforça violemment de se soulever, comme pour chasser quelque chose d’importun, et le corps blessé trembla de colère. « Arrière !…Arrière !… » balbutièrent les lèvres pâles, comme en un son inarticulé et pourtant intelligible. Et la répulsion se manifestait si violemment dans les traits contractés du vieillard qui ne pouvait pas se défendre que le médecin, pris d’inquiétude, écarta le deux femmes. « Il délire, murmura-t-il, et maintenant il vaut mieux que vous le laissiez seul. »
À peine étaient-elles sorties que les traits convulsés se détendirent, inertes, dans une lassitude immense. La respiration marchait encore sourdement - toujours plus profond était le râle de la poitrine qui cherchait à aspirer l’air lourd de la vie. Mais bientôt elle se fatigua d’absorber cette amère nourriture des hommes. Et, lorsque le médecin écouta le cœur avec attention, il avait déjà cessé de faire souffrir le vieil homme."
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05/04/2013
La lettre + une photo prise hier + un poème magnifique
Lettre aux avocats spécialistes en bioéthique - 4 avril 2013 sur le blog
http://on-dirait-pas.hautetfort.com/
Un extrait :
"Nous, historiques de la lutte contre le sida, nous ne trouvons plus notre place. Nous sommes tels les vétérans du Viet-Nam bien vivants, bien portants, mais c’est artificiel : pour ma part c’était grâce aux 42 comprimés avalés par jour, c’est à dire que chaque jour que je les prenais, je signais un CDD journalier avec la vie.
Ils faut savoir que chez les gays, physiquement, à 35 ans, la date limite de consommation est dépassée, séropo depuis 1992 (c’est à dire que j’ai passé pratiquement plus d’années avec le sida, contre lui, étant son meilleur ami et son pire ennemi), je suis stigmatisé au sein de ma communauté et comme je dénonce, avec d’autres, le vautrage collectif dans une fange d’hyper-consommation sexuelle et toxicomaniaque des pédés, je suis étranger de partout. Condamné à rester seul jusqu’à la fin de mes jours et pour citer Paul Valéry « Un homme seul est toujours mal accompagné »
Je me suis laissé mille chance d’y croire, encore et encore.
J’ai accepté tous les protocoles, cobaye.
J’ai été compliant et observant aux prescriptions médicales. On m’a diagnostiqué comme dépressif chronique, mon frère que je n’avais que 2 fois par ans au téléphone, et qui n’était pas même mon représentant légal m’a fait interné sous HDT à l’Hôpital Henry Eyt, 7éme étage, réservé aux grands schizophrènes... 4 jours nu, dans une chambre capitonnée, lit à camisole. Je n’en suis jamais sorti.
Mon addictologue a vu juste, dénoncé 15 années de diagnostic médical erroné : j’ai une rage de vivre hors du commun, je ne suis pas dépressif (Cela arrange tout le monde de s’exonérer de la moindre responsabilité envers moi, mais je sais que je suis le seul coupable de mon naufrage, enfin non pas le seul... Une génération Sida toute entière se suicide dans le silence, nous sommes les victimes d’un génocide sans coupables). Didier LESTRADE a publié un bon papier sur le sujet sur www.slate.fr"
Le poème du jour, extrait :
Ah quand je mourrai
enterrez-moi à Ouessant
avec mes épagneuls
et mes goélands
ah quand je mourrai
mettez-moi en ce jardin de gravier.
http://lasciereveuse.hautetfort.com/
06:48 Publié dans Lecture, Photo, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)