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14/10/2011

La nouvelle du jour

Laura marchait dans le centre ville et se souvint qu’elle avait besoin justement, d’une coupe de cheveux. Faire bonne impression était devenu le souci majeur de tout un chacun ; en ces temps difficiles, il fallait donner le change. L’animatrice de l'agence « emploi-exploit » lui revint à l'esprit, avec l'écho de ses phrases toutes faites, formulées de façon laconique « savoir se vendre » « se valoriser » « stratégie » « la réponse à donner ». Le côté marketing de ce genre de propos ne l’étonnait plus. A-t-il jamais été question d’être soi-même quand on est en recherche d'emploi. Elle avançait, le regard tourné vers elle-même, se rappela qu'au petit matin, alors qu’elle déambulait déjà dans les rues en quête d’un bistrot ouvert, elle avait deviné sous une casquette à rayures blanches, une ombre qui se confondait avec l'obscurité  ; quand elle avait croisé l'homme, vêtu d’un blouson plus noir encore que sa peau, il lui avait semblé le voir émerger de la nuit. Il y avait comme un pied de nez au cynisme de la société de consommation dans le fantasme de l’invisibilité. En y repensant, elle le trouva sympathique. Madame “emploi-exploit”, en pur esprit, s'interposa aussitôt ; cette matrone influente la poursuivait décidément partout “Il ne faut pas rêver !” De toute façon Laura allait allier l'utile à l'agréable pour une fois, cette coupe de cheveux, elle en avait envie.

...

Lorsqu'elle poussa la porte du salon de coiffure, elle découvrit, surprise, que la femme qui se tenait derrière la caisse ressemblait à s'y méprendre à une célèbre journaliste.

Elles échangèrent un sourire, se saluèrent

  • "Ce serait pour une coupe courte, s'il vous plaît."

  • "Désolée, le salon est bondé. On ne pourra plus prendre de client aujourd'hui."

  • "Mince ! Je repasserai demain alors."

  • "Inutile. Donnez-moi plutôt votre numéro de téléphone. On vous rappellera." 

Laura sortit, ne sachant que penser. Elle opta pour un autre salon. Avant d'entrer elle s'avisa de la présense d'une petite affiche où elle lut cet arrêté préfectoral :

À tous les demandeurs

Pour une coupe, s'inscrire au secrétariat. Un courrier d'admission vous sera envoyé.

02/10/2011

Reflet d'image

Mathurin avait fait comme beaucoup de chauves lorsqu’ils avaient découvert le début de leur calvitie. Durant des vacances prolongées, il s’était laissé pousser une longue mèche côté droit, qu’il avait rabattue à gauche, sur la partie dénudée du crâne. Mathurin, connaissant la méchanceté ordinaire de collègues aigris, les imaginait trop contents, sans cela, de lui infliger de dégoutants camouflets. Certains, il en était persuadé, profiteraient de l’occasion pour évacuer leur bile sur lui. Une classique épaisse moustache de compensation venait, en auxiliaire, apporter une nuance d’ombre à un visage qu’il trouvait trop lumineux à son goût, au moindre sourire qu’il s’adressait au hasard des vitrines et autres glaces se trouvant sur son chemin. Jamais par contre il ne s’était laissé aller à se regarder dans les flaques d’eau, de peur d’être pris pour un attardé.

Une pensée émue pour certains de ses fans trop zélés qu‘il allait peut-être contrarier, mais pour leur bien, l’effleura. Comment l’idée de la moustache ne lui était-elle pas venue plus tôt ? Au fond, même un chanteur de son importance sur le plan international, avait une certaine éthique. L’abus de pouvoir de charme, cela ne lui ressemblait pas. Après ces quelques tergiversations, il se fit face devant le miroir, conscient que cette calvitie naissante lui donnait déjà d’autres impératifs. La crainte de tomber en disgrâce lui serra la gorge et la pensée d’une perruque à se mettre, au cas où, ne le rassura pas. Il avait bâti une petite fortune sur une apparence qui partait à vau-l’eau. Même les implants paraissaient dérisoires au philosophe qu’il se sentait devenir. Il décida de soumettre humblement à son imprésario cette proposition toute bête de se raser le crâne, un projet de voyage au long cours en tête.

01/09/2011

Comment la petite grenouille a perdu son fiancé

« Alors ? La vie est belle ? » demanda un crapaud à la grenouille arrivée à l’instant et dont il était amoureux.

"Vaste question ! Tant que je ne tombe pas sur un mangeur de grenouilles, je la trouve belle." répondit-elle joyeusement. Tous deux se mirent à rire en complices de vieille date et esquissèrent, en guise de bras de fer aux goinfres, une petite sarabande.

Un congénère qui avait vaguement entendu la conversation se porta à leur rencontre, trouva la demoiselle jolie, se sentit des aigreurs soudaines à l’encontre de son partenaire et déclara d’un ton mielleux :

« Crapaud, j’aimerais être à ta place ! »

La danse continuait mais le cœur n’y était plus, le rival inattendu avait quelque peu altéré l’ambiance en ce qui concernait le danseur, mais la grenouille se laissant flatter, voyait la vie de plus en plus en rose ce matin-là. 

« Je n’aime pas attendre. » insista le nouvel arrivant en ricanant de façon inquiétante.

« Alors passez votre chemin. »

Celui qu’on prenait à partie avait répondu à voix presque inaudible.

« Vous ne me répondez pas ? Je ne pense pourtant pas être de trop. »

L’importun insistait si grossièrement que la grenouille émue par tant d’attention à sa personne, finit par leur proposer le pique-nique qu’elle s’était initialement réservé dans l’espoir de les mettre d’accord. Elle sortit de sa besace quelques insectes, une petite couleuvre et l’une de ses semblables, qu’elle ne prisait pas particulièrement, tout ce monde se retrouva étourdi sur l’herbe. 

« Ah bon ! S’écria le premier prétendant. Les mangeurs de grenouilles te dégoûtent et tu consommes un des tiens ! Tu te trahis toi-même ! Adieu ! »

La grenouille s’éclipsa, déchirée d'un coup.

Sans rancune à l’encontre de son ami, elle mit du temps avant de se réconcilier avec la vie.