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22/03/2013

Que de choses dans ce monde ...

Une occasion de quitter Saint-Malo se présenta tout naturellement. Je touchais à ma huitième année et mon père me conduisit à Plancouët afin d’être relevé du vœu que ma nourrice avait fait pour moi, à la Vierge de Nazareth. Nous descendîmes chez ma grand’mère madame de Bédée. Si j’ai vu le bonheur sur la terre, c’était certainement dans cette maison. Ma grand’mère occupait dans l’unique rue du hameau de l’Abbaye une jolie petite maison dont les jardins descendaient en terrasse sur une vallée et au bout desquels on trouvait une petite fontaine entourée de saules. Madame de Bédée ne marchait plus mais à cela près elle n’avait aucun des autres inconvénients de son âge. C’était une agréable vieille, grasse, blanche, propre, l’air grand, les manières belles et nobles, portant des robes à plis à l’antique et une coiffe noire de dentelle nouée sous le menton. Elle avait l’esprit orné, la conversation grave, l’humeur sérieuse : elle était soignée par sa sœur Mademoiselle de Boistilleul, qui ne lui ressemblait que par la bonté. Celle-ci était une petite personne maigre, enjouée, causeuse, railleuse. Elle avait aimé un comte de Trémigond, lequel comte qui avait dû l’épouser, avait ensuite violé sa promesse. Ma tante délaissée s’était consolée en chantant ses amours, car elle était poète. Je me rappelle lui avoir souvent entendu chanter, en nasillant, et les lunettes sur le nez, tandis qu’elle brodait des manchettes à deux rangs pour sa sœur, un apologue qui commençait ainsi :

Un épervier aimait une fauvette

Et, ce dit-on, il en était aimé

Ce qui m’a toujours paru singulier pour un épervier. La chanson finissait par ce refrain :

Ah ! Trémigond, la fable est-elle obscure !

Turelure, lure ! Tarala la la !

 

Que de choses dans ce monde finissent comme les amours de ma pauvre tante par turelure, lure !

Chateaubriand Les Mémoires d'outre-tombe - page 85/86

 

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21/03/2013

Enfance d'un poète

Un extrait ci-après tiré des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand. Je découvre peu à peu ce livre, émaillé de beaux passages poétiques par ailleurs. Ici l’auteur expose finalement ses idées sur l’éducation. Argumentaire biaisé contre Voltaire ? Se profile incidemment un éclairage rétrospectif sur l’écriture très incisive de Voltaire lorsqu'il lutta contre cette idée, commune à l’époque, que "Dieu fait bien tout ce qu’il fait, et c’est sa providence qui nous dirige etc." Où l’on comprend mieux également d’où peut bien provenir ce masochisme et ce narcissisme de Chateaubriand, qui n’empêchent pas chez lui un certain génie de l'écriture.

L’extrait :

« Quand mon ami rentrait avec un œil poché, il était plaint, caressé, choyé, habillé ; moi, j’étais grondé, mis en pénitence, et je demeurais tout nu. Le coup que j’avais reçu était dangereux, mais jamais La France ne put me persuader de rentrer chez mes parents, tant j’étais effrayé. Je m’allai cacher au second étage chez Géril qui m’entortilla la tête d’une serviette. Cette serviette le mit en train. Elle lui représenta une mitre ; il me transforma en évêque, et me fit chanter la grand’messe avec lui et ses sœurs jusqu’à l’heure du souper. Le pauvre pontife fut alors obligé de descendre ; le cœur me battait de frayeur. Mon père surpris de ma figure et me voyant tout barbouillé de sang, ne dit pas mot, ma mère poussa un cri, La France conta mon histoire en m’excusant ; je n’en fus pas moins grondé ; on pansa mon oreille, mais il fut résolu qu’on me séparerait de Géril et qu’on me ferait sortir de Saint Malo le plus tôt possible.

Tels furent les jeux et les premiers attachements de mon enfance. Je ne sais si une éducation aussi rude est bonne en principe, mais elle fut adoptée par mes parents sans système et seulement par une suite naturelle de leur humeur. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle a pu donner à mes idées quelque chose de moins semblable à celles des autres hommes. Ce qu’il y a de plus certain encore, c’est qu’elle a imprimé à mes sentiments un caractère de tristesse, né chez moi de l’habitude de souffrir même physiquement, pendant mon enfance. Dira-t-on que cette manière de m’élever aurait pu me conduire à détester mes parents et à devenir mauvais fils ? Loin de cela. Le souvenir de leur rigueur m’est presque agréable. J’estime et honore les grandes qualités des auteurs de mes jours. Quand mon père mourut, mes camarades au régiment furent témoins de mes regrets. C’est à ma mère que je dois la gloire et le bonheur de ma vie, puisque c’est d’elle surtout que je tiens ma religion. Aurait-on mieux développé mes talents naturels en me jetant de bonne heure dans des études communes aux hommes ? J’en doute : les flots, les vents, cette solitude, qui furent mes premiers maîtres, convenaient peut-être mieux à la nature de mon esprit et de mon cœur. Peut-être dois-je à cette éducation sauvage quelques vertus que j’aurais ignorées. La vérité est qu’aucun système n’est préférable à l’autre ; les enfants aiment-ils mieux leurs parents aujourd’hui qu’ils les tutoient et ne les craignent plus ? Géril était gâté dans la même saison où j’étais battu, nous avons été tous deux d’honnêtes gens et des fils tendres et respectueux. Telle chose que vous croyez mauvaise devient la chose même qui rend votre enfant distingué ; telle autre qui vous semblait bonne, fera de votre fils un homme commun. Dieu fait bien tout ce qu’il fait, et c’est sa providence qui nous dirige lorsqu’elle nous réserve pour jouer un rôle sur la scène du monde. » Mémoires d'outre-tombe, page 84/85

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20/03/2013

À propos de l'eau

Et les Shadocks pompaient, pompaient. Note du 9/03/2013 : http://liepvre.hautetfort.com/

08:54 Publié dans Lecture, Site | Lien permanent | Commentaires (0)