08/09/2008
Poème du jour
Le passé
Telle qu'une vapeur s'épaississant toujours,
La nuit grave s'étend sur les îles boisées ;
Les plus belles au loin, déjà semblent rasées
Et les rives n'ont plus que de fuyants contours.
A mes pieds, le vent d'est chassant l'onde à rebours,
Courbe les joncs comme autant d'âmes angoissées.
- Veux-tu que nous allions reposer nos pensées
Dans l'ombre qui sera bientôt comme un velours ?
Nous causerons de nos projets, de choses vaines,
De l'avenir, jongleur qu'on dirait les mains pleines,
Mais non pas du passé, c'est terrain défendu.
Le passé surgira de la nuit et des houles,
Et parlera si fort, qu'au retour vers les foules,
Nous resterons muets de l'avoir entendu.
Alphonse Beauregard ( 1881-1924 )
recueil : Les forces
17:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)
Françoise Demulder
"Grande photoreporter, ses images au Vietnam puis au Liban ont marqué les années 1970
Première femme à gagner le prestigieux prix World Press en 1977, la photoreporter Françoise Demulder est morte, mercredi 3 septembre à Paris, d’une attaque cardiaque. Elle avait 61 ans. Il est injuste de réduire un photographe à une image, surtout dans le cas de Françoise Demulder, mais celle qu’elle réalise dans la matinée du 18 janvier 1976 à Beyrouth, durant la guerre du Liban, et qui a été couronnée « meilleure photo de l’année » par le World Press, a marqué la profession et les lecteurs de journaux du monde entier.
Cette photo en noir et blanc est prise au moment où les phalangistes chrétiens sont en train de raser le quartier palestinien de la Quarantaine à Beyrouth. Alors que les Palestiniens tentent d’échapper au massacre, Françoise Demulder saisit une Palestinienne implorant un soldat phalangiste cagoulé et armé d’un fusil de la seconde guerre mondiale.
Ce document a failli ne jamais être publié. Françoise Demulder travaillait alors pour Gamma, la grande agence photos de l’époque avec Sygma et Sipa, qui ont fait de Paris la capitale mondiale du photojournalisme dans les années 1970 et 1980. Or les responsables de Gamma à Paris, qui avaient réceptionné les pellicules deux semaines plus tard auprès d’un coursier passé en voiture par la Jordanie, n’avaient pas retenu cette image complexe qui offre plusieurs plans de lecture. De retour en France, Françoise Demulder a redonné sa chance à une image qui est devenue le symbole du drame palestinien durant cette guerre - elle fut placardée sur les murs de Beyrouth.
« Désormais, il n’y avait plus les bons chrétiens et les méchants palestiniens ; les phalangistes ne me l’ont jamais pardonné », explique Françoise Demulder dans la série télévisée de Marie-Monique Robin, Les Cent Photos du siècle, diffusée sur Arté de 1998 à 2000 et adaptée en livre (Chêne 1999). La photographe ajoutait : « D’après mes informations, seuls la mère et son bébé (au second plan) ont survécu. "Le milicien s’est tué en jouant à la roulette russe" "La photo m’a poursuivie pendant des années", confie Françoise Demulder, hantée par "la haine démentielle" du milicien. "C’était une véritable boucherie."
De cette image, est née une amitié entre son auteur et Yasser Arafat, le leader palestinien, dont elle a « couvert » l’exil à Tripoli, en Libye, et à qui elle a rendu visite en Tunisie. « Ils sautaient dans les bras l’un de l’autre », se souvient le photographe Christian Poveda, son ami depuis vingt-huit ans. C’est une image qui a renforcé la notoriété d’une photographe dont le parcours s’inscrit dans la tradition française du photojournalisme de l’époque - les années qui ont suivi le mouvement et les aspirations de Mai 68. Un parcours autodidacte et nourri par le goût de l’aventure.
Née le 9 juin 1947, fille d’un ingénieur électronicien, Françoise Demulder est une brune élégante et longiligne, qui devient d’abord mannequin. Elle gagne le Vietnam en guerre au début des années 1970 pour accompagner son compagnon de l’époque, Yves Billy, qui était photographe puis documentariste. « C’est ainsi qu’elle est devenue photographe », se souvient Christian Poveda.
La Guerre du Vietnam, très ouverte à la presse, a permis à de nombreux photographes d’apprendre leur métier sur le tas. « Françoise est venue à Saïgon, toute jeune, elle était jolie, très grande, extrêmement mince, toujours vêtue d’une blouse ample, de pantalons très français et de bottes de combat », se souvient Horst Faas, qui dirigeait les photographes de l’agence américaine Associated Press. Ce dernier ajoute : « Françoise et Yves Billy sillonnaient Saïgon en moto. Elle rentrait couverte de poussière. On lui a acheté des photos. »
Le 30 avril 1975, elle prend une première image qui fait le tour du monde, lors de la chute de Saïgon. Postée dans le Palais présidentiel, elle est la seule photographe à saisir l’instant où les chars des Vietcongs font leur entrée dans la ville. Ainsi, dans un milieu d’hommes, Françoise Demulder a gagné au Vietnam puis au Cambodge une place respectée parmi les photographes de guerre, incarnant, avec Catherine Leroy et Christine Spengler, le visage féminin du photojournalisme français, réputé dans le monde entier. …
Du Vietnam, elle s’est ensuite rendue au Liban, avant de couvrir plusieurs conflits, notamment la guerre entre l’Irak et l’Iran, au début des années 1980, pour les grands magazines internationaux. Ella a aussi multiplié les reportages à Cuba, au Pakistan, en Ethiopie, et travaillé pour plusieurs agences - Sipa, Gamma, Corbis …"
…
Le Monde, Michel Guerrin et Claire Guillot
16:20 Publié dans Extrait d'article | Lien permanent | Commentaires (0)
05/09/2008
Baudelaire
La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse
La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,
Certe, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
Tandis que, dévorés de noires songeries,
Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,
Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiver
Et le siècle couler, sans qu'amis ni famille
Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.
Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir,
Calme, dans le fauteuil, je la voyais s'asseoir,
Si, par une nuit bleue et froide de décembre,
Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,
Grave, et venant du fond de son lit éternel
Couver l'enfant grandi de son oeil maternel,
Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,
Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse ?
08:43 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)