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13/04/2021

L'air libre ♣ Le silence ♣ Maurice Blanchard

Philippe Jaccottet

 

 

 

Et viennent de nouveau les grands beaux jours…

 

 

Une fois encore, la sérénité d’octobre…

 

 

L’air entoure, c’est quelque chose qui n’est pas, c’est de la place, de l’espace, c’est une absence d’oppression et de murs: l’air libre.

 

 

L’étendue à peine relevée sur ses bords, ses lointains bords, comme un berceau.

 

 

C’est l’air qu’on ne voit pas, qu’on boit un peu comme de l’eau fraîche, c’est tout le ciel comme un grand verre d’eau, et l’air est frais, rafraîchissant, désaltérant. On taille les haies, le jardin bleu s’éclaire, et c’est comme si on montait les degrés d’une échelle. Les branches, les herbes sécheront en grands tas que l’on fera brûler plus tard avec joie: grésillement des flammes dans la fumée comme une autre espèce d’air, agressif, agité, coloré, ascendant. Cascade inversée.

 

 

Puisses-tu allumer encore quelques feux avec ces feuilles sur la pente du temps… où du fond de l’enfance remonte un bruit de cloches sombres… 

 

 

 

Philippe Jaccottet, Carnets 1968-1979, dans: Oeuvres (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 2014)

 

 

 

Maurice de Guérin

 

 

Comme un fruit suspendu dans l’ombre du feuillage,
Mon destin s’est formé dans l’épaisseur des bois.
J’ai grandi, recouvert d’une chaleur sauvage,
Et le vent qui rompait le tissu de l’ombrage
Me découvrit le ciel pour la première fois.
Les faveurs de nos dieux m’ont touché dès l’enfance;
Mes plus jeunes regards ont aimé les forêts,
Et mes plus jeunes pas ont suivi le silence
Qui m’entraînait bien loin dans l’ombre et les secrets.
Mais le jour où, du haut d’une cime perdue,
Je vis (ce fut pour moi comme un brillant réveil!)
Le monde parcouru par les feux du soleil,
Et les champs et les eaux couchés dans l’étendue,
L’étendue enivra mon esprit et mes yeux;
Je voulus égaler mes regards à l’espace,
Et posséder sans borne, en égarant ma trace,
L’ouverture des champs avec celle des cieux.

 

 

 

Maurice de Guérin, Glaucus / extrait, dans: François Mauriac, Journal III / 1937, dans: Journal – Mémoires politiques (coll. Bouquins/Laffont, 2008)

 

 

 

 

Tous les vivants

 


Tous les vivants ont l'âge du monde. Le vieillard livre à l'enfant les clefs de la ville, que cela lui plaise ou non. Les revenants n'y comprennent plus rien, ils sont fixés, papillons bleus de la Guyane, papillons bleus de la nuit.

 


Tous les vivants rompent les faisceaux quand l'aube fuit. Tous les rêves ficelés, tous les rêves entassés, linges inutiles, à coups de bottes joignez votre ombre et votre honte ! Les genoux pèsent sur les poitrines. L'ordre doit régner. Les clairons sonnent la diane quand la lune disparaît.

 


Tous les vivants chantent l'avenir. Pour apaiser les mondes morts. Pour des mots qui enivrent, venus on ne sait d'où, de quels terribles déclenchements et qui font heurter les peuples en rivières de murmures, en rivières de blessures, paquets de chaînes, lambeaux d'amour.

 


Tous les vivants fuient la maison natale. Les chevrons pourrissent, les parquets se disjoignent en reliefs géographiques pour jouer au soldat, les fenêtres battent comme des voiles quand on vire mal, quand on manque la passe bienheureuse. La racine pousse son couvercle, le vieux prunier renaît dans le cuivre des lampes, la chute des grands pans dans l'eau du lac.

 

 


Maurice Blanchard

 

Est-ce à dire dans ce texte que tout n'est pas qu'un éternel recommencement des erreurs passées, mais qu'il y a évolution ? Ou l'auteur est-il dans un entre deux, moitié ironique, moitié espérant. Espoir qu'estomperait une certaine ironie un peu désabusée ?

 

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