23/11/2020
Élisée Reclus : les mines, les eaux cachées, et l'océan ♣♣♣ Suite de l'extrait sur l'Amazonie
Élisée Reclus, géographe de la génération de Jules Vernes, croyait comme celui-ci en la science. Loin de leurs pensées de possibles bombes atomiques, et autres "inconvénients" majeurs. Ils étaient de leur temps : enthousiastes et non dénués d'une belle candeur. Le regard, les perceptions des personnes de cette époque sont tout imprégnés de celle-ci.
Élisée Reclus se disait anarchiste, mais on insiste sur son sens de l'organisation au travail. Signifiant pas là qu'anarchisme vu par Élisée Reclus, ce n'était pas synonyme de "grand n'importe quoi".
Ici, dans un chapitre de son livre intitulé Histoire d'un ruisseau, chapitre consacré aux gouffres, il rend un hommage discret aux mineurs "toutes catégories" et aussi, en toute fin de son propos, aux marins, héros de tous les jours.
L'extrait :
"De ces puits naturels, le plus pittoresque est précisément le plus éloigné de la source. En cet endroit, le plateau, devenu plus inégal, s'arrête brusquement au pied d'une muraille rocheuse, de l'autre côté de laquelle s'ouvre une vallée déversant ses eaux dans un fleuve éloigné. Les rochers dressent haut en plein ciel leurs beaux frontons dorés par le soleil ; mais leur base est cachée par un bosquet de chênes et de châtaigniers ; grâce à la verdure et à la variété du feuillage, le contraste trop dur que formerait l'abrupte paroi des rochers avec la surface horizontale du plateau se trouve adouci. C'est au plus épais de ce bosquet que s'ouvre le grand abîme. Sur ses bords, quelques arbustes inclinent leurs tiges vers la trouée d'azur ouverte entre les longues branches de chênes ; seulement un bouleau laisse retomber au-dessus du gouffre ses rameaux délicats. Il faut prendre garde ici, car le sol se dérobe soudain et le puits n'a point de margelle comme ceux que creusent les ingénieurs ! Nous nous avançons en rampant, puis couchés sur le ventre, appuyés sur nos mains, nous plongeons notre regard dans le vide. Les murs du gouffre circulaire, çà et là noircis par l'humidité qui suinte à travers la roche, descendent verticalement ; à peine quelques corniches inégales se projettent-elles en dehors des parois. Des touffes de fougères, des scolopendres jaillissent des anfractuosités les plus hautes ; mais au-dessous la végétation disparaît, à moins qu'une plaque rouge entrevue là-bas dans l'ombre, sur une saillie du roc, ne soit une traînée d'algues infiniment petites. Au fond, tout n'est d'abord que ténèbres ; mais nos yeux s'accoutument peu à peu à l'obscurité, et nous distinguons maintenant une nappe d'eau claire sur un lit de sable.
Du reste, on peut descendre dans le puits, et je suis de ceux qui se sont donné ce plaisir. Certes, l'aventure offre un certain agrément, puisqu'elle est un voyage d'exploration ; mais en elle-même, elle n'a rien de fort séduisant et nul de ceux qui ont fait cette descente aux enfers ne tient beaucoup à la renouveler. Une longue corde, prêtée par les paysans des environs, est attachée solidement à un tronc de chêne, et, plongeant jusqu'au fond du gouffre, oscille doucement sous l'impulsion du filet d'eau dans lequel trempe l'extrémité libre. Le voyageur aérien saisit fortement la corde à la fois des mains, des genoux et des pieds et se laisse glisser avec lenteur dans la bouche ténébreuse du puits. Malheureusement, la descente n'est pas toujours facile : on tournoie sur soi-même avec la corde, on s'embarrasse dans les touffes de fougères, que brise le poids du corps, on se heurte maintes fois contre la roche hérissée d'aspérités et l'on essuie de ses vêtements l'eau glacée qui suinte des failles de la paroi. Enfin on aborde sur une corniche, puis, après s'être reposé un instant pour reprendre l'haleine et l'équilibre, on se lance de nouveau dans le vide et bientôt on débarque sur le fond solide.
Je me rappelle sans joie mon séjour de quelques instants dans le gouffre. J'avais les pieds dans l'eau ; l'air était humide et froid ; la roche était couverte d'une sorte de pâte gluante consistant en argile délayée ; une ombre sinistre m'entourait ; je ne sais quelle lueur blafarde, vague reflet du jour, me révélait seulement quelques formes indécises, une grotte, des pendentifs bizarres, un large pilier. Malgré moi, mes yeux se reportaient sur la zone éclatante qui s'arrondissait au-dessus du gouffre ; je regardais avec amour la guirlande de verdure qui s'épanouissait à la marge du puits, les grandes branches au feuillage étalé que doraient joyeusement les rayons, et les oiseaux lointains planant en liberté dans le ciel bleu. J'avais hâte de revoir la lumière ; je poussai le cri d'appel et mes compagnons me hissèrent hors du trou, tandis que je les aidais en poussant de mon pied les saillies de la roche.
Naïf jeune homme, je me considérais comme une sorte de héros pour avoir opéré ma petite descente aux enfers, à trente mètres de profondeur à peine, je cherchais dans ma tête quelques rimes sur le poète qui se hasarde au fond des abîmes pour y surprendre le sourire d'une nymphe emprisonnée, et je ne songeais pas aux vrais héros, à ces intrépides mineurs, qui, sans jamais réciter de vers sur leurs entrevues hardies avec les divinités souterraines, conversent avec elles pendant des journées et des semaines entières ! Ce sont eux qui connaissent bien le mystère des eaux cachées. À côté de leurs têtes, la gouttelette, suspendue aux stalactites de la voûte, brille comme un diamant à l'éclat des lampes, puis tombe dans une flaque et rejaillit avec un bruit sec, répercuté au loin dans les galeries retentissantes. Des ruisselets formés de tous ces suintements de gouttes coulent sous leurs pieds et se déversent de rigole en rigole jusque dans le bassin de réception, où la machine à vapeur, semblable à un colosse enchaîné, plonge alternativement ses deux grands bras de fer, en gémissant à chaque effort. Au bruit des eaux de la mine se mêle parfois le sourd grondement des eaux extérieures qu'un coup de pioche malheureux pourrait faire s'écrouler en déluge dans les galeries. Il est même des mineurs qui n'ont pas craint de pousser leurs travaux de sape jusqu'au dessous de la mer et qui ne cessent d'entendre le terrible océan rouler des blocs de granit sur la voûte qui les abrite. Pendant les jours d'orage, c'est à quelques mètres d'eux que les navires viennent se fracasser contre les falaises."
♣♣♣
Suite de l'extrait (posts précédents) sur la déforestation en Amazonie :
This hopeful period of slower deforestation was not last.
Cette période encourageante du ralentissement de la déforestation n'allait pas durer.
Even before Mr Bolsonaro, deforestation began to pick up.
Même avant Mr Bolsonaro au pouvoir, la déforestation recommença à gagner du terrain.
In 2012, under then - president Dilma Roussef, Brazil's congress passed a new forest code that gave amnesty to those had taken part in illegal deforestation before 2008.
En 2012, sous le mandat de DR, le Congrès du Brésil adopta une loi qui accorda l'amnistie à ceux qui avait participé de façon illégale à la déforestation avant 2008.
Vocable d'octobre 2019.
Gardons courage, la lutte sera longue.
08:59 Publié dans Géographie | Lien permanent | Commentaires (0)
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