18/09/2017
Un long dimanche de fiançailles
Je suis arrivée à la page 294 d'Un long dimanche de fiançailles de Sébastien Japrisot. Je l'avais laissé en jachère quelque temps, pour la digestion sans doute, si on peut dire. C'est un chef-d'œuvre où se trouvent imbriquées une enquête sur un disparu de la guerre 14-18, recherché par sa fiancée, et l'histoire d'autres condamnés à mort, ils sont cinq en tout dans ce roman, accusés de mutilation volontaire afin d'échapper à la guerre. Ils avaient été graciés par Poincaré dans cette fiction, située en l'année 1917, mais de hauts gradés ont décidé malgré tout d'utiliser comme exemple ces cinq infortunés, contournant l'autorité civile, parce qu'ils avaient peur que d'autres soldats suivent cette idée et que la désertion ne se généralise. En mettant les cinq soldats anciens condamnés (parce que graciés ) sur la terre de personne, c'est-à-dire sur la tranche de terre qui séparait les deux lignes adverses du front, entre la tranchée baptisée "Bing au cépuscule" ou "Bingo crépuscule" et la tranchée allemande, les hauts gradés dans ce roman ont cru qu'ils allaient ainsi faire coup double : réussir à dissuader les soldats tentés de se mutiler, et faire croire aux allemands que les hostilités étaient relancées ; en effet, comme d'un commun accord (par voie télépathique) , les adversaires ne s'attaquaient plus que très mollement. Mais en exposant cinq français aux Allemands, si ces derniers tiraient sur eux (ce qu'ils ont énormément tardé à faire dans cette histoire), tout le monde allait-il remordre à l'hameçon de la guerre... ou encore, les allemands ne comprenant pas ce que faisaient les français, la nuit où les cinq condamnés ont passé de force les barbelés, sans pouvoir observer le plus grand silence pour ne pas inquiéter l'ennemi, auraient pu croire à une attaque et riposter sévèrement séance tenante, relançant ainsi immédiatement les hostilités....
Livre poignant, hommes-objets pris dans la nasse de la politique la plus cruelle, ici celle de hauts gradés désobéissant à Poincarré et condamnant de façon détournée, "pour la bonne cause", cinq hommes, dont quelques-uns s'étaient blessés réellement accidentellement ! On imagine que si Japrisot a écrit cela c'est qu'il a eu vent d'histoires de cet acabit rapportées par les "Grands Couillons" , comme certains les appellent avec compassion dans ce livre, au lieu de dire "les poilus".
14:11 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.