12/09/2014
Paul Féval
Il a les pieds bien sur terre Paul Féval et ça tombe bien, j'aurais tendance si je m'écoutais à planer naturellement or, en tous temps, est préférable de bien extérioriser son regard, se rendre compte de toutes ces choses qui changent, fluctuent autour de soi, dans l'univers minéral des villes ou en contexte campagnard ou autre. Paul Féval en quelques pages lues, dans l'ordre cette fois-ci, les onze premières, montre je trouve, une acuité, un sens de l'observation, qui débouche sur une ambiance, en l'occurrence de foire/cirque de l'époque du dix-neuvième siècle. Il n'est en effet pas question de le lire en diagonale, il faut au contraire ralentir la lecture car les détails fourmillent et ne prennent sens que si on suit le fil. Au lecteur d'engranger ces infimes choses, ou alors d'intégrer d'étranges élucubrations de l'un ou l'autre personnage, juste mentionnées, pour bien saisir l'ensemble, et le caractère des individu où s'inscrit aussi leur parcours. Pour commencer Féval décrit un quartier de Paris en transformation, les changements en trente années, qui sont de véritables bouleversements. Le monde commence à prendre de la vitesse au dix-neuvième alors qu'on a tendance à croire que l'accélération des choses se produisit au début du 20ième, pas vraiment avant. Vers la dixième page deux personnages de ce cirque, respectivement père biologique et père adoptif d'un bébé, affublent celui-ci d'une baudruche couleur chair humaine, qu'ils s'évertuent à coller autour des tempes du pauvre bébé afin de le faire passer pour un monstre pour évidemment qu'il rapporte quelque argent, les gens payant alors quelques sous pour assouvir leurs instincts sadiques en regardant des monstres, à condition évidemment d'être certains que c'en soient de véritables, sinon il n'y a plus de plaisir ! Ah ! misère ! Mais chez Féval, ce n'est, surprise ! pas déprimant, mais d'un tonus incroyable : non seulement il évite le pathos mais son humour où je ne trouve pas l'ombre du cynisme pour l'instant, requinque étonnamment. Un extrait :
"Saladin, l'héritier indivis du brillant Similor et du modeste Echalot, criait comme un beau diable. Ce qu'on appelait son éducation était, en définitive, une assez rude chose. Échalot l'accomodait en monstre, et, à l'aide d'une baudruche collée d'une certaine façon autour de ses tempes, puis peinte en couleur de chair et munie de petits cheveux, puis encore soufflée à l'aide d'un tuyau de plumes, il donnait à la tête de l'enfant d'effrayantes proportions.
— T'es douillet, reprenait le père nourricier sans se fâcher, que dirais-tu donc si on t'arrachait une dent au pistolet ? Il n'y a pas, pour attirer le monde, comme les encéphales qu'est bien réussis, et un phénomène vivant de ton âge n'est pas embarrassé de gagner ses trois francs par jour... Attends voir que j'aille aider M. Daniel à se retourner.
M. Daniel, c'était le lion invalide."
Paul Féval, extrait de Maman Léo
08:46 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
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