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26/01/2014

Extrait M. Ouine Bernanos

"Il serre la boucle de son pantalon en roulant les épaules, du geste canaille dont il affronte un rival, au seuil de l'estaminet. Ses joues brunes ont à peine pâli, sa bouche trop mince garde le même rictus impénétrable qui bravait jadis le curé, l'instituteur, le patron, toutes les puissances raisonneuses contre lesquelles on le croit révolté, alors qu'il se contente de les fuir, exactement comme les bêtes qu'il traque nuit et jour le fuient lui-même, sans haine et presque sans peur, aussi naturellement qu'elles boivent et mangent.

[...] Son regard cherche maintenant celui du vieux avec une audace tranquille.

"Pour la discussion, je ne suis pas de force", dit-il simplement.

D'un commun accord ils détournent les yeux, fixent à travers l'étroite ouverture la forêt qui s'apaise, s'immobilise peu à peu,  dans la tiédeur du jour. Une pluie fine, odorante, musquée, reste suspendue à la hauteur des feuillages et, d'une extrémité à l'autre de l'immense futaie, la brise balance entre ciel et terre une vapeur irisée.

"Il y a des cas où l'on devrait parler net, remarque l'ancien bûcheron d'une voix dont il exagère le grasseyement, mais possible que je n'en vaille pas la peine, ou quoi ?

— Je n'ai pas refusé de vous entendre, garçon, dit le vieux.

— Possible. Je ne suis pas avocat, répond le beau voyou avec une dignité singulière. Et d'abord, qu'est-ce que vous en feriez tous de mes raisons ? Faudrait plutôt un alibi, je connais leur truc. Où veulent-ils que j'en trouve un, d'alibi, dites-voir ?"

Bernanos

     

07:27 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

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