13/01/2014
Lélia de George Sand
J'en suis là de cette lecture : Lélia a raconté à Sténio qui l'aime la terrible histoire de Trenmor, Homme qu'elle admire et protège. Ensuite George Sand met les trois personnages en présence. chapitre 14, les voilà tous trois à un bal costumé.
"le manteau de Lélia était moins noir, moins velouté que ses grands yeux couronnés d'un sourcil mobile. La blancheur mate de son visage se perdait dans celle de sa vaste fraise, et la froide respiration de son sein impénétrable ne soulevait même pas le satin noir de son pourpoint et les triples rangs de sa chaîne d'or.
— Regardez Lélia dit Trenmor ...."
Trenmor fait alors part à Sténio de ce que lui évoque la beauté de Lélia :
" (...) regardez, vos dis-je, cette beauté physique qui suffirait pour constater une grande puissance, et que Dieu s'est plu à revêtir de toute la puissance intellectuelle de notre époque ! (...)"
voici à quoi il la compare :
" (...) c'est le marbre sans tache de Galathée, avec le regard céleste du Tasse, avec le sourire sombre d'Alighieri. C'est l'attitude aisée et chevaleresque des jeunes héros de Shakespeare : c'est Roméo, le poétique amoureux ; C'est Hamlet, le pâle et ascétique visionnaire ; c'est Juliette, (...) . Vous pouvez inscrire les plus grands noms de l'histoire, du théâtre et de la poésie sur ce visage dont l'expression résume tout, à force de tout concentrer. le jeune Raphaël devait tomber dans cette contemplation extatique, lorsque Dieu lui faisait apparaître une virginale idéalité de femme. Corinne mourante devait être plongée dans cette morne attention lorsqu'elle écoutait ses derniers vers déclamés au Capitole par une jeune fille. Le page muet et mystérieux de Lara se renfermait dans cet isolement dédaigneux de la foule. Oui, Lélia réunit toutes ces idéalités, parce qu'elle réunit le génie de tous les poètes, la grandeur de tous les héroïsmes. Vous pouvez donner tous ces noms à Lélia ; le plus grand, le plus harmonieux de tous devant Dieu sera encore celui de Lélia ! Lélia dont le front lumineux et pur, dont la vaste et souple poitrine renferme toutes les grandes pensées, tous les généreux sentiments ; religion, enthousiasme, stoïcisme, pitié, persévérance, douleur, charité, pardon, candeur, audace, mépris de la vie, intelligence, activité, espoir, patience, tout ! — jusqu'aux faiblesses innocentes, jusqu'aux sublimes légèretés de la femme, jusqu'à la mobile insouciance qui est peut-être son plus doux privilège et sa plus puissante séduction."
Voici maintenant ce que Sand fait répondre à son personnage Sténio :
"— Tout hormis l'amour ! Hélas dit Sténio, il est donc bien vrai ! vous n'avez pas nommé l'amour, Trenmor, vous qui connaissez Lélia, vous n'avez pas nommé l'amour ? Eh bien ! si cela est, vous avez menti : Lélia n'est pas un être complet. C'est un rêve tel que l'homme peut en créer, gracieux, sublime, mais où il manque toujours quelque chose d'inconnu, quelque chose qui n'a pas de nom, et qu'un nuage nous voile toujours, quelque chose qui est au-delà des cieux, quelque chose où nous tendons sans cesse sans l'atteindre ni le deviner jamais, quelque chose de vrai, de parfait et d'immuable ; Dieu peut-être, c'est peut-être Dieu que cela s'appelle ! Eh bien ! la révélation de cela manque à l'esprit humain. Pour le remplacer, Dieu lui a donné l'amour, faible émanation du feu du ciel, âme de l'univers perceptible à l'homme ; cette étincelle divine, ce reflet du Très-Haut, sans lequel la plus belle création est sans valeur, sans lequel la beauté n'est qu'une image privée d'animation, l'amour, Lélia ne l'a pas. Qu'est-ce donc que Lélia ? Une ombre, un rêve, une idée tout au plus. Allez, là où il n'y a pas d'amour, il n'y a pas de femme.
— Et pensez-vous aussi, lui dit Trenmor sans répondre à ce que Sténio espérait être une question, pensez-vous aussi que là où il n'y a plus d'amour il n'y a plus d'homme ?
— Je le crois de toute mon âme, s'écria l'enfant.
— En ce cas je suis donc mort aussi, dit Trenmor en souriant, car je n'ai pas d'amour pour Lélia, et, si Lélia n'en inspire pas, quelle autre en aurait la puissance ! Eh bien, enfant, j'espère que tu te trompes, et qu'il en est de l'amour comme des autres passions. Je crois que là où elles finissent l'homme commence."
George Sand aborde sans détour les rivages de la philosophie et du sentiment religieux dans Lélia. Un roman qu'il faut prendre, de toute évidence, le temps de lire lentement. Jusqu'ici je l'aime beaucoup.
09:59 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
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