26/12/2013
Charlie et le muet
un interviewer a demandé à un jeune acteur pourquoi il aimait Louis de Funès. Parce qu'il réussit à le faire rire, et lorsqu'il rit il oublie ses peines. En gros c'est ce que j'ai retenu de sa réponse. Un autre interviewé a fait part de l'émotion que lui procurait Louis de Funès : la même que lorsqu'il a décroché le bac. Est-ce à dire que la star lui avait donné quelque chose comme un passeport d'intégration sur le plan symbolique ? Il avait compris comment faire.
Ce Louis me crispait, il me donnait l'impression de courir à la crise cardiaque à force de s'énerver. C'est finalement ce qui est arrivé. Maintenant que cela s'est produit les jeunes ne le regardent plus avec la même anxiété, celle que je ne devais pas être la seule à ressentir. Idem pour les funambules au fond.
Charlie Chaplin était plus doux, avant tout danseur, il mettait ses talents de gymnaste non violent au service des péripéties du personnage inadapté qu'il jouait à merveille. Hitler ne pouvait pas le sentir. Est-il besoin de rappeler que, en plus des Juifs, Gitans et homosexuels, lui et ses supporters s'en sont pris aux personnes handicapées mentales légères et profondes. Or en jouant un inadapté, Charlie Chaplin mettait en scène de façon poétique un personnage pouvant être perçu comme un handicapé léger. Il le faisait non pas aux dépens de ce personnage, vu la poésie dont il le nimbait mais pour le défendre, le public éprouvait de l'empathie pour cet être-là, cette création à l'opposé de Frankenstein.
C'est d'autant plus original avec le recul car, de nos jours sembler "ne pas être dans le coup" c'est flirter avec l'isolement qui à terme condamne. D'où ces ados exhibant leurs portables en même temps que leurs compétences en terme de technologies de pointe. Cela révèle une peur, hélas fondée, contre laquelle il leur est difficile de lutter.
Une caissière l'autre jour, d'un magasin où je n'étais presque jamais allée, bipait mes quelques achats sans m'écouter, je lui demandais simplement un sachet. Elle téléphonait à droite à gauche, appuyant sur les touches de son portable, parfois avec son chapeau de stylo. Charly Chaplin aurait trouvé moyen à partir de là, de faire un gag, comme s'en aller en se dandinant et surtout sans payer afin de ne pas déranger la dame, il aurait mis ses achats dans son chapeau claque après l'avoir saluée et hop. Ensuite il y aurait eu une course poursuite avec les vigiles, filmée à la vitesse supérieure bien sûr. Le scénario n'était pas compliqué pour Chaplin, une sorte de ballet prenait vite le relais d'événements qui n'en étaient pas, qui étaient eux-mêmes des pantomimes proches de la danse, à force d' expressionisme, le geste suivait. Pas de jeux de mots, c'était du muet, les mots en moins on débouchait donc sur cette gestuelle qui donnait à l'humour sa légèreté. La lourdeur actuelle de l'humour, en général, vient du fait qu'il passe uniquement par la parole. Or des paroles qui font du bien tout en faisant rire, il faut aller chercher dans la spiritualité pour les trouver.
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