03/12/2013
Critique
"Car qui peut soutenir que notre histoire n'est pas grosse à en crever d'actions noires rêvées par quelques fous, de paroles perverses proférées dans la nuit, de terreurs imaginées dans la cervelle des solitaires et des proscrits ?"
Les critiques acceptent-ils les critiques ? J'en ai une à faire à Stalker que je lis beaucoup parce qu'il marche à contrecourant, c'est en cela qu'il m'interpelle. Il se montre tranché dans ses jugements de critique, je ne le suis pas souvent dans mes avis, mais ce n'est pas non plus une qualité. Le doute n'en est pas toujours une et la suprême assurance non plus, tout dépend. Certaines fois j'accepte mal "de ne pas savoir" au sens de n'avoir pas d'opinion sur une question par manque d'intuition. J'en reste mal à l'aise. Ce n'est pas toujours comme ça heureusement, ou pas, d'ailleurs. Il m'arrive aussi de me laisser emporter par la conviction, ce qui peut me laisser un peu circonspecte par la suite. Tant pis si Dieu vomit les tièdes, il m'arrive de l'être. Mais revenons à ma mini critique de critique du jour.
Cette portion de phrase : "de terreurs imaginées dans la cervelle des solitaires et des proscrits" me gêne parce qu'elle stigmatise à mon sens proscrits et solitaires. J'ai relu la définition du triste mot proscrit au hasard d'un dictionnaire :"DROIT personne condamnée à quitter son pays. Synonyme banni, un intellectuel proscrit.
DROIT inscrit, dans l'Antiquité romaine, sur les listes des hors-la-loi et condamné sans jugement à l'exil et à la mort, les opposants proscrits sous le triumvirat.
DROIT personne condamnée à quitter son pays, un proscrit qui se réfugie dans la clandestinité."
L'histoire est émaillée de proscrits célèbres, comme l'aimable Spartacus qui luttait pour la liberté des esclaves.
Et il y aussi les proscrits anonymes que sont pour moi les SDF. J'en ai abordé un hier. Il était assis sur le rebord d'un muret qui jouxtait une grande surface, et avait le visage tourmenté de quelqu'un qui pourrait bien proférer quelque malédiction. Je l'ai abordé pour lui donner ma monnaie, il a alors tourné le visage vers moi tout en causant d'une manière qui se voulait volubile, seulement il articulait très mal, ce faisant il m'a montré un mégot et a mimé par une expression son dépit de ne pas pouvoir l'allumer. Il articulait avec tant de difficulté que je me suis demandé s'il était déficient mental selon l'expression consacrée. En donnant les pièces de monnaie j'ai senti sa main chaude malgré le froid dehors. Quelques minutes plus tard je me suis retrouvée à lui offrir un paquet de clopes, une petite boîte d'allumettes et un pain brioché que j'étais allée acheter dans la galerie marchande. J'ai malgré tout compris ce qu'il disait quand il a refusé le pain avec véhémence mais gentillesse "Non j'ai déjà mangé. Quand je mange je vomis. Ou bien je grossis, je me mets en colère, ça ne va pas quand je mange." Il m'a dit quelque chose comme ça, mi paniqué, mi plaisantant. Contrairement au monsieur Ouine de Bernanos, lui était devenu chaleureux en un rien de temps. Les cigarettes lui ont donné le sourire ; je lui ai dit que fumer seulement, sans manger ce n'était pas bon, qu'il fallait étaler la fumette. À ces mots son sourire s'élargissait de bonheur, je lui ai frotté l'épaule en guise de caresse et je suis partie apaisée. Parce que ces hommes ont le pouvoir de vous apaiser à condition de réussir à établir le contact avec eux.
Bref, vous comprenez pourquoi je n'agrée pas cette portion de phrase de la critique, même si j'adhère à son début.
Le problème avec les mots c'est qu'ils vous emportent parfois là où vous ne vouliez pas aller.
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