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18/05/2013

tout passe

 

"Dans la province anglaise de Cornouailles, la langue des indigènes s’éteignit vers l’an 1676. Un pêcheur disait à des voyageurs : «  Je ne connais guère que quatre ou cinq personnes qui parlent breton, et ce sont de vieilles gens comme moi, de soixante à quate-vingt ans ; tout ce qui est jeune n’en sait plus un mot. »

Des peuplades de l’Orénoque n’existent plus ; il n’est resté de leur dialecte qu’une douzaine de mots prononcés dans la cime des arbres par des perroquets redevenus libres, comme la grive d’Agrippine qui gazouillait des mots grecs sur les balustrades des palais de Rome. Tel sera tôt ou tard le sort de nos jargons modernes, débris du grec et du latin. Quelque corbeau envolé de la cage du dernier curé franco-gaulois, dira, du haut d’un clocher en ruine, à des peuples étrangers, nos successeurs : «  Agréez les accents d’une voix qui vous fut connue : vous mettrez fin à tous ces discours.* »

Soyez donc Bossuet, pour qu’en dernier résultat votre chef-d’œuvre survive, dans la mémoire d’un oiseau, à votre langage et à votre souvenir chez les hommes.* »

 

* Citation approximative de la péroraison de la célèbre oraison funèbre du prince de Condé par Bossuet.

 

* Ce morceau de bravoure sur la mort des langues, publié pour la première fois en 1836 (Essai sur la littérature anglaise), a été soigneusement revu avant de passer dans les Mémoires. Mais il se substitue à la conclusion logique du chapitre sur la décadence des Indiens….

 

Chateaubriand Mémoires d’outre-tombe Classique de Poche page 498

09:53 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

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