16/05/2013
La "pédagogie noire"
Le ruban blanc, film de Haneke, plonge le spectateur à l’époque qui précède la Première guerre mondiale, dans un petit village représentatif de l’Allemagne d’alors. Un monde où la religion est institutionnelle, constitutive d’une société rigide qu’aucun homme, de quelque milieu qu’il soit, ne semble remettre en cause. L’éducation des enfants recourt à la « pédagogie noire », faite d’humiliation et de sentiment de culpabilité. Le climat est lourd, étouffant, hypocrite, des adultes dérapent donc, notamment chez les bourgeois ( attouchements poussés d’un père sur sa fille, soupçon d’assassinat d’une épouse par le mari médecin et sa maîtresse ). Les enfants perçoivent cette fausseté ambiante où le mal est partout et les repères brouillés. De cette violence découle une forme de déréalisation de la part des enfants qui commettent en écho de graves exactions. Comme s’ils voulaient remettre de l’ordre, cet ordre inculqué par leur parents, là où, à leurs yeux, ceux-ci auraient échoué. S’ils agressent à plusieurs reprises le fils du baron, symbole d’une hiérarchie séculaire qui commence à s’essouffler, ils le laissent toutefois "en état de bonne marche" mais, hélas, pas de quartier pour l’enfant handicapé à qui ils crèvent les yeux. Il semble que le nazisme soit en marche ; pourtant ces enfants, par intermittence, pleurent avant de devenir peu à peu insensibles. Ce qu'ils ne supportent pas ne tient pas de l’esthétisme, mais du « manque d’ordre ». Tout ce qui n’est pas conforme à l’idée bourgeoise qu’ils se font de ce qui doit être, est appelé, pour ces enfants, à disparaître.
Outre ce film, si l'on réfléchit un peu à la condition des handicapés je me dis que la grande guérisseuse, au niveau des blessures de l'âme, c'est sans doute la Nature, un espace de nature. Car les humains sont souvent bien trop fragiles ou dépourvus de feeling pour s'occuper des enfants des autres lorsqu'ils sont handicapés. Encore faut-il pouvoir le trouver de nos jours cet espace de nature.
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