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13/01/2013

La peste - Albert Camus

"Au bout de ces semaines harassantes, après tous ces crépuscules où la ville se déversait dans les rues pour y tourner en rond, Rieux comprenait qu’il n’avait plus à se défendre contre la pitié. On se fatigue de la pitié quand la pitié est inutile. Et dans la sensation de ce cœur fermé lentement sur lui-même, le docteur trouvait le seul soulagement de ces journées écrasantes. Il savait que sa tâche en serait facilitée. C’est pourquoi il s’en réjouissait. Lorsque sa mère, le recevant à deux heures du matin, s’affligeait du regard vide qu’il posait sur elle, elle déplorait précisément le seul adoucissement que Rieux pût alors recevoir. Pour lutter contre l’abstraction, il faut un peu lui ressembler. Mais comment cela pouvait-il être sensible à Rambert ? L’abstraction pour Rambert était tout ce qui s’opposait à son bonheur. Et à la vérité, Rieux savait que le journaliste avait raison, dans un certain sens. Mais il savait aussi qu’il arrive que l’abstraction se monte plus forte que le bonheur et qu’il faut alors, et seulement, en tenir compte. C’est ce qui devait arriver à Rambert et le docteur put l’apprendre dans le détail par des confidences que Rambert lui fit ultérieurement. Il put ainsi suivre, et sur un nouveau plan, cette espèce de lutte morne entre le bonheur de chaque homme et les abstractions de la peste, qui constitua toute la vie de notre cité pendant cette longue période." (P.104)

 

05:50 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

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