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06/11/2012

Noyelles

Voici un poème entier de Armand Dehorne, tout un climat derrière les coteaux bleus et les piles d'assiettes. Le poème s'intitule Noyelles ; Noyelles est le nom d'une commune du Pas-de-Calais

NOYELLES

 

Les chaussées Brunehaut pendent bas dans l’histoire.

La croupe du terrain mélodieux remue

Comme une belle hanche avec les cuisses nues.

A quel nom, pour quel monde et vers quel élément

Se dédieront un jour autant de lieux charmants ?

 

Septembre au long des haies avec la pèlerine,

Une rose à la main, la dernière ; Septembre !

O vaches en chaleur des berges de la Sambre.

J’écrase un pis grossier sur ma dure poitrine.

Vaches ! Vos quatre seins dans une même cloche,

Vaches ! Vos sentiments que la brise effiloche,

N’importe quelle idée un ange continue !

 

Or, les choses debout sont des moments forcés ;

Le vent s’occupe mal des endroits effacés !

Et sentir qu’on s’en va colore jusqu’aux nues

L’infinité de mains qui s’emparent des flammes.

Dans les affres du ciel ma part est contenue,

Et j’engouffre assez haut l’offre amère des âmes.

 

Emporté comme avant l’histoire

Par des alcyons de pâtures,

Et, des nuits, dans leurs ailes sourdes,

Est-ce là mon heureux départ :

Vouloir quelque chose d’absurde,

La charité tenue à part ?

 

Routes de table rase et sans profession,

Je participe tendre à des faits en retard

Qui, mouvant la nature, ont des tours admirables,

Mais gardent leurs secrets, passants incomparables !

 

Sur un plan cadastral connais-tu ces lavis ?

Tant de cœurs pour mon cœur qui n’aima que les routes !

Les grappes de maisons noircissent à leur branche ;

A droite, mur pourri crevé de trous sauvages

Laissant voir les plâtras et l’ortie d’un décombre.

A gauche, tas nouveaux de briques odorantes !

 

Mes mains ne sont donc pas égales et pareilles.

Car l’une, vers la mort et vers la pourriture,

Vers le déclin, l’abîme et l’horreur, est tournée.

L’autre regarde l’aube en reflétant des briques :

C’est l’avenir rougi du sang des renaissances !

 

La route entre elles deux s’échappe, marche ou rampe,

Ecoutant si l’on vit dans la paix mitoyenne.

Route des petits pas ou des larges foulées,

Hommes, femmes, enfants quels vieux peuples l’ont faite !

Pieds saignants, déformés, pieds douloureux et laids ?

 

La route, quelle peine et quels temps infinis !

Quel lamentable amas de semelles usées !

Quel déplorable chant de la victoire humaine !

Oh ! Penser à genoux l’histoire de la route…

 

Sur un tel monument de la race locale,

Sur cette addition remuante de pas,

A mon tour je me dresse, il faut partir, et simple,

Moi le dernier de tous et le plus ressemblant,

Je convertis du songe en fureur musculaire.

 

Le vide tourbillonne et mon ombre est sonore.

De la pointe du cœur forçant les portes claires,

Ma poitrine commande aux pays circulaires.

Anxieux et tranquille à la fois, déjà double,

Je me laisse happer par le but que je trouble.

La distance est vorace et le temps me dévore !

 

— Tu vois, c’est l’homme à visions

Pratiquant mal l’évasion

Dans la plus chaude incohérence.

 

L’insolite des aventures

N’est pas du tout pour ces natures,

Mais le spectacle de leur transe !

 

Bleus coteaux, les piles d’assiettes…  

09:13 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

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