25/10/2012
Critique de critique
À mes heures je suis critique de critique. Cette critique de Pierre Murat à propos du film Amour de Haneke, j'aime, un vrai coup de coeur pour elle. Nul besoin d'avoir vu le film pour apprécier ce qu'en dit Pierre Murat. Étrange, mais c'est ainsi. La voici :
"Quand Ingmar Bergman, jadis, notamment dans Gris et chuchotements, montrait interminablement les hurlements de douleur d’une mourante, il avait un but : fustiger, face à l’importance de chaque vie, l’assourdissant silence de Dieu, Michael Haneke filme, lui aussi, des plaintes et des gémissements, mais, pas un instant, on ne comprend pourquoi. La spiritualité est étrangère à son œuvre. Et l’indulgence, aussi : exalter les êtres humains jusque dans leurs petitesses pour mieux révéler leur grandeur, ce n’est pas son truc. À quoi peut bien servir alors cet Amour qui en est si dépourvu ? Rappeler aux distraits et aux inconscients qu’avant de s’en aller sous terre nourrir les vers, ils finiront leur vie en bavoir et couche-culotte ? C’est ça, son film ? Cette banalité ? Cette évidence ? Mais tout le monde sait ça, tout le monde le redoute, pas besoin qu’on nous le rappelle avec tant de froideur et d’insensibilité.
Bien sûr que Haneke a du talent : Benny’s Video, autrefois, Le Ruban blanc, récemment, l’ont prouvé. Seulement voilà : c’est un sombre. Un sévère (Cioran, à côté, c’est Feydeau). Un moraliste moralisateur, donneur de leçons angoissantes. Ses films, on les suit la peur au ventre, tassé dans son fauteuil, en se demandant, à chaque instant, si on supportera jusqu’au bout son sadisme. Et si oui, pourquoi… En fait, Haneke aurait tout pour égaler Bergman. Il lui manque seulement la compassion, qu’il remplace par de la rigueur. Mais la rigueur comme la sensiblerie, quand elles sont exacerbées, c’est de la pure complaisance." Pierre Murat Télérama p.55
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