Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/07/2012

Le discours d'un président du vingt-sixième siècle

— Bon ça suffit Odette, ce n’est pas le moment de plaisanter, d’accord ? assena Jeudi. Tout le monde se tut et attendit. l’heure était effectivement grave.

Dans un coin de la pièce le robot qui avait servi à sauver Jeudi rompit le silence de sa voix métallique :

— Ai établi connexion entre les paroles enregistrées et les actes à accomplir en cas de fortes décharges d’adrénaline chez humains dans mon entourage proche. Demande confirmation Hector avant de passer à l’action. Stop.

— Déconnecte-toi jusqu’à nouvel ordre. Stop, lui communiqua Hector.

Le robot s’éteignit. Chacun se demanda à part soi comment il avait pu identifier la voix de son maître. Odette posa directement la question au robot qui ne réagit pas. "C’est tout un système" dit l’inventeur de la machine pour couper court à de plus amples explications. Jeudi soupirait, Odette et Tom avaient-ils vraiment conscience du risque qu’ils couraient si par hasard des hommes de Le Noble accompagnaient le président. Sans doute que oui, à voir comment ils appréciaient la présence d’Hector et de sa machine à leur côté.

— Vos filles ne viennent pas souvent ici s’enquit Odette. Hector se montra plus causant cette fois :

— Je pensais à elles justement. Elles étudient toutes les deux à l’université de Stuggol. En médecine. Elles sont presque jumelles, juste une année de différence. Elles connaissent du monde là-bas. C’est un beau pays la Dorkadsi, j’irais bien m’y reposer un peu, les retrouver me ferait du bien. Tous les deux vous devriez m’accompagner, et même Peter, il faudra aviser. Géraldine ne veut pas venir. Si cela se trouve Dora et elle se débrouilleront très bien sans moi pour se réconcilier, essaya-t-il de plaisanter.

— Attends, ça va peut-être s’arranger avec les politiques, commenta Jeudi sans conviction.

Hector pressa sur un bouton et l’on entendit clairement dans la pièce le discours du président qui avait déjà commencé :

— Comme vous le savez, chers amis, nos amis de Bléassengh sont conscients de leur valeur, ils comblent de leur présence la nation, comme vous-mêmes d’ailleurs, et je suis venu ici, auprès de vous, dans le but d’enrayer la discorde que des êtres de moindre valeur ont tenté d‘établir entre vous ; nous nous attachons désormais et avec la plus grande fermeté, à éradiquer du pays ces manants qui créent des malentendus, sèment la tempête et récoltent le vent…ou inversement chers amis, qu’importe, vous m’avez compris. Des êtres chagrins, frustrés à juste titre, en un mot des anarchistes. Anarchistes par qui disfonctionnements et malentendus ne manquent pas de se multiplier et qui ont amené une situation de crise. Un robot de première importance aurait administré aux édiles de Bléassengh un sédatif alors que ceux-ci étaient en train de remplir leur fonction au tribunal. Quoi de plus légitime que de condamner, chers amis un dangereux criminel, étranger notoire les ayant menacés quelques heures plus tôt — de mort, lors d’une réunion administrative qui suivait normalement son cours paisible jusqu’à son arrivée. Je suis venu, hommes de science, pour clarifier la situation, remettre entre les Bléassenghs et vous de l’harmonie. Ce faisant, j’éradiquerai de ces lieux si paisibles avant leur arrivée, des gens qui n’ont rien à y faire. Outre les anarchistes tel ce Jeudi, tel ce couple de Louradie, outre ces individus donc, les gueux que nous ne voulons plus voir traîner chez nous.

Une voix timide s’éleva, c’était celle de Géraldine

— Permettez-moi de vous interrompre Monsieur le Président, les gueux sont des citoyens de notre pays et encore ne le seraient-ils pas, n’ont-ils pas droit à notre respect ? Pensez-vous vraiment qu’ils n’ont aucune valeur ? Je suis bien placée pour témoigner en leur faveur. Si on leur laisse une chance, croyez-moi, ils peuvent devenir aimables, voire même, très réconfortants.

— Je vous prierai madame, de décliner la prochaine fois votre identité avant d’adresser la parole au président de la république. En ces temps où règne confusion et insécurité, cette règle est devenue élémentaire. Nous contrôlons l’identité de ceux qui prennent la parole, il est en effet de première importance de savoir à qui exactement nous avons affaire. Je vous prierai, madame, de remettre votre carte d’identité à monsieur Le Noble qui se tient ici à ma droite. Quelqu’un a-t-il quelque chose à ajouter ?

Les scientifiques murmurèrent, un souffle de réprobation se fit entendre qui n‘eut pas l’air d’intimider le président et sa garde rapprochée. Dans le bureau où se trouvaient Hector, Jeudi, le docteur Dross et le couple honni, tout le monde retenait son souffle. Le robot ne bronchait pas non plus. Le président reprit : 

— Je sais que des rumeurs ont couru à propos du possible démantèlement de la communauté scientifique que vous formez ici. Que diable ! Vous n’êtes pas une secte que je sache! Les Bléassenghs ont eu tout lieu de se réjouir de vos nombreux services et sont prêts à oublier le navrant incident du robot piqueur ah! ah! ah! Qui s’est trompé de cible, le bougre en libérant le malfaiteur et en mettant groggy les justiciers : l’erreur est humaine… si j’ose dire en pareil cas, ah! ah! ah! Le président se racla la gorge et reprit en détachant les mots : « Nous avons donc décidé que seuls Monsieur Hector Durasso et son équipe seraient mutés, entendez-moi bien, non pour les punir d’une quelconque façon, mais parce que nous reconnaissons, au-delà de l’erreur commise par le robot humanoïde et les robots chiens, l’ingéniosité de ces inventions de prototypes d'un genre nouveau. Ils peuvent rendre de grands services, à condition d’être bien dirigés, ah! ah! ah! Monsieur Hector non seulement n’aura pas de blâme mais sera gratifié d’une promotion, je sais qu’il n’est pas ici, le docteur Dross nous en a informé, mais néanmoins sachez que nous le nommons directeur de Recherche dans le domaine de la technologie en matière de sécurité, sous la présidence de Monsieur le Noble, en charge des dossiers dans ce domaine. Ces hautes fonctions ne peuvent avoir leur siège que dans la capitale. Reste la question de la forêt qui sera débattue dans les jours qui viennent. La présence des loups importune en effet touristes et Bléassenghs, Bléassenghs qui, je le rappelle sont les propriétaires légitimes de cette forêt en raison, soit de leur origine, soit de l’immense richesse qu’ils ont légitiment acquise par leurs mérites personnels que personne jusqu’ici n’a jamais osé contester. 

 

 

Les commentaires sont fermés.