30/04/2012
Les marcheurs continuent leur périple
— Nous avons encore des réserves, de quoi faire chauffer les haricots, des fruits, dès que nous aurons trouvé un endroit où dormir pour la nuit je nous prépare une petite tambouille, tu pourras dessiner Tom, il fait jour jusque neuf heures encore.
— Je vais dessiner des arbres et des animaux et toi Peter si tu veux bien.
Celui-ci, trop heureux de quitter le village, répondit doctement après quelques secondes trois mots qui résonnèrent agréablement aux oreilles de ses parents « Je veux bien », de prime abord il avait dit cette courte phrase assez platement, mais aussitôt ils en reçurent un écho différent, il leur sembla que Peter avait eu une façon assez déclaratoire de la prononcer, sur le ton décalé de la sentence, ils se mirent à rire gentiment sans que le jeune homme en prît ombrage, consolés de toute la fatigue accumulée des derniers jours. La sortie du village se passa sans encombre, des enfants leur tournèrent autour en vélo avec des mines perplexes et les laissèrent prendre la route du bosquet en se désintéressant d’eux d’un accord commun, aussi soudain que silencieux, comme s’il y avait eu entre eux une sorte de télépathie maléfique. Le ciel se couvrait de nuages rouges et ils avaient le sentiment d’être suivi quand un homme d’allure jeune se mit au milieu de la route et leur adressa la parole sans ambages, chose dont ils avaient perdu l’habitude depuis qu’ils parcouraient la zone verte :
— Bonsoir ! Vous n’êtes pas d’ici ?
Tom éprouva immédiatement le besoin de justifier de long en large leur présence mû par cette sensation rédhibitoire d’insécurité au moindre contact humain dès lors qu’il se trouvait dans un certain contexte et ce, malgré la jovialité du personnage qui se tenait devant lui. Il s‘agissait d’un vieux réflexe lié au stress, dont il ne pouvait se débarrasser en ces circonstances.
— Nous venons de Louradie, nous sommes à la recherche d’une maison de soins, une structure spécialisée … en fait nous bivouaquons, nous avons pris une année de disponibilité …
— On ne vous a pas dit qu’il y a des loups dans cette forêt ? Il y a eu plusieurs réformes tests dans la zone verte. Vous n’écoutez pas la radio ?
Peter s’était calmement assis sur le bord du chemin, Odette et Tom, stupéfiés, avaient pâli.
— Je meurs de faim dit le promeneur et je n’ai pas envie de rentrer à l’hôtel Oasis, il sent le médicament. Je viens de bien plus loin que vous, de bien plus loin que la région de Louradie, je suis d’un autre pays, le Srégala …
personne ne lui répondant, il précisa avec une ironie un peu lasse « c’est la guerre là-bas » et expliqua qu’il cherchait un coin en attendant pour survivre « mais ça se bouche partout ces temps-ci on dirait que l’étau se resserre où qu’on aille. »
— Mais dit Odette oppressée par la nouvelle concernant les loups, les loups c’est pire que tout. Ça bouleverse tous nos projets … une lueur d’incrédulité dans les yeux elle tenta de se rebiffer contre le mauvais plaisantin « vous avez la chance de pouvoir vous loger à l’hôtel Oasis et vous préférez vous balader le soir tombant dans une forêt où il y aurait des loups. »
— Il vaut mieux se tenir informé, surtout ces temps-ci, vivre hors du monde comme vous semblez le faire réserve de mauvaises surprises. Je préfère les loups parce que je les connais depuis le temps que je bivouaque dans cette jungle. Il y a assez de chevreuils par ici pour leur alimentation et ils se méfient des hommes mais on ne sait jamais, il vaut mieux ne pas tomber sur eux par inadvertance, lorsqu‘ils chassent. Ils n‘ont pas un sens aussi aigu du territoire que les hommes mais enfin deux précautions valent mieux qu’une.
— Que faire ? Se lamenta Tom, j’avais envie de dessiner des animaux, mais des chevaux, des oiseaux, des chevreuils, je n’aurais jamais imaginé que des loups, encore aujourd’hui, infesteraient des lieux touristiques. le Guide du Voyageur ne parle pas de ça …
— Vous n’avez que ce Guide comme source d’informations ? Le nouveau venu préféra ne pas s’appesantir et jouer la carte de la pédagogie « La réintroduction des loups dans la région est pourtant un projet de longue date. Les ours seront plus compliqués à réintroduire, je le crains, j’ai d’ailleurs tout un attirail dont les scientifiques m’ont appris à me servir en cas de problème. »
Odette désemparée, en guise de contestation « du sort à bretelle » selon son expression, opposa le déni, attitude habituelle qui lui permettait de contrôler ses émotions, de, paradoxalement, « voir venir » quand elle n’avait pas su anticiper.
— Je trouve ces plaisanteries un peu sadiques sur les bords jeune homme, vous nous emmenez en bateau. On vous dérange en somme, c’est cela ?
— Très bien, je m’en vais ...
D’une seule voix le couple le pria de rester un moment avec eux tout en s’excusant, après quoi Peter alla toucher l’épaule de Jeudi, le jeune homme s’était finalement présenté sous ce nom, et confirma l’invitation, l’air pacifique et solennel, par ces trois mots : « Rester avec nous. »
07:47 Publié dans Texte à suivre | Lien permanent | Commentaires (0)
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