29/03/2012
Rencontres essentielles
I veult te pas dire c’qui pinst‘. Pas à cause del’pub, mais des fois que l’lendemain i’n pinsrètent pu parèle. C’est pourquoi, sur le plan philosophique, il vaudrait mieux se taire que de dire les pensées qui nous viennent à l’esprit sur le coup, à chaud, sans avoir tourné sept fois la langue… à vif émotionnellement ; dire tout de suite, c’est se mettre inutilement à découvert, prendre le risque de se tromper, de dérouter, de patauger, voire même de se perdre gentiment. M’exprimer sur le nucléaire étant donné mes certitudes anti-nucléaire mûrement réfléchies, là oui, mais d’autres gens le font avec tellement plus d’efficacité que ce n’est pas la peine. Je préfère la spontanéité, et en contrepartie contrevenir aux règles sacrées de la démarche philosophique. Consciente de la chute possible je compense par une dialectique qui me fait écrire lentement, à propos de faits apparemment plus futiles les uns que les autres, de trucs qui me viennent à l’esprit sur le coup mais me ralentissent et neutralisent mes émotions dès que je veux les mettre en mots. Des petites choses de la vie, parfois déroutantes, non primordiales mais essentielles à leur façon, du moins pour moi, quitte, malgré la prudence dans l’urgence, à changer d’avis plus tard ou tout au moins à nuancer le propos. Mais n’est-ce pas cela aussi la tolérance, admettre que nous sommes faillibles. Dire presque à l’instant T, est une forme de poésie, de communication du ressenti, de sincérité qui peut amener la vérité à se manifester plus tard, pas toujours en même temps. De toute façon, il vaut mieux en général, ne pas prendre tout à la lettre, même concernant les grands textes de grands auteurs, mais prendre au sérieux et avec humour à la fois, ne serait-ce que pour mieux corriger le tir. Surtout quand il s’agit d’avis sur les positionnements politiques, quand il en va de la survie de populations et de la planète. Vous me suivez ? Pour passer à autre chose, hier j’ai regardé un film à mi-chemin entre le reportage et la fiction à propos d’un jeune homme dans le Jura qui a choisi de devenir agriculteur. Là aussi, c’était truffé « de petites choses de la vie », cette maman par exemple qui reproche à son fils de ne pas vouloir rencontrer son père, un père qui se débine pas mal mais qui fait de timides tentatives pour approcher son fils, elle lui dit « tu as tort de ne pas vouloir le voir, dans la vie on a besoin de tout le monde », mais le père va plus ou moins se défiler encore une fois, et mère courage sera là pour encaisser le coup avec son fils. Tout cela se vit en sourdine, sans éclat ; l’ado va avoir une chance inattendue avec la rencontre du paysan chez qui il fait son stage d’apprenti agriculteur. Celui-là est un papa meurtri dont le fils handicapé, après moult souffrances, a fini par mourir à cinq ans. « J’aurais tout donné pour qu’il connaisse le monde. » confie-t-il à l’ado qui se tait et l’écoute. Le monde paysan est économe en paroles, on escamote volontiers les mots, mais les rencontres essentielles ont lieu.
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