14/01/2008
Les luttes et les rêves
Extrait de Chose vue
La faim, c’est le regard de la prostituée,
C’est le bâton ferré du bandit, c’est la main
Du pâle enfant volant un pain sur le chemin,
C’est la fièvre du pauvre oublié, c’est le râle
Du grabat naufragé dans l’ombre sépulcrale.
Ô Dieu ! La sève abonde, et, dans ses flancs troublés,
La terre est pleine d’herbe et de fruits et de blés,
Dès que l’arbre a fini, le sillon recommence ;
Et pendant que tout vit, ô Dieu, dans ta clémence,
Que la mouche connaît la feuille du sureau,
Pendant que l’étang donne à boire au passereau,
Pendant que le tombeau nourrit les vautours chauves,
Pendant que la nature, en ses profondeurs fauves,
Fait manger le chacal, l’once et le basilic,
L’homme expire ! – Oh ! La faim, c’est le crime public ;
C’est l’immense assassin qui sort de nos ténèbres.
Dieu ! Pourquoi l’orphelin, dans ses langes funèbres,
Dit-il : « J’ai faim ! » L’enfant, n’est-ce pas un oiseau ?
Pourquoi le nid a-t-il ce qui manque au berceau ?
Victor Hugo
Avril 1840
07:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Note du livre.
Once : léopard
basilic : reptile fabuleux pouvant tuer par son seul regard
Écrit par : sophie | 14/01/2008
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