05/11/2007
Big brother vous regarde ?
« La façon de vieillir est révélatrice du genre de vie que l’on a mené. Dans cette maison de repos-ci, ils sont plus abîmés que dans l’autre maison de retraite où je donne également des séances de chant. Ici ce sont des pauvres, ils sont plus abîmés par la vie. »
C’est en substance ce que déclarait cette professeur de chant lors du reportage sur les maisons de repos/retraite en Belgique, que j’ai visionné hier après-midi.
Il était effectivement saisissant de constater comme les inégalités se creusent au fil du temps. Nous avons pu voir en effet, défiler durant cette émission « toutes sortes » de cas d’anciens actifs, essaimés dans divers établissements Belges. Les uns ayant encore les idées claires, et d’autres nettement moins ; et l’on pouvait noter de ce fait, combien la lucidité, même douloureuse, quant à la perte de certaines facultés, de certains talents est préférable à la perte des repères. Perte des repères au point que certains des pensionnaires semblaient errer dans une sorte de labyrinthe mental, les faisant déambuler l’air perdu, dans un couloir de dortoir. Comme ce vieil homme, par exemple, qui s’obstinait à chercher sa femme en ces lieux, malgré les rappels de l’infirmière, l’informant à chaque fois de l’hospitalisation de son épouse dans un autre établissement.
L’infirmière expliqua que l’homme en question était atteint d’une forme de démence, bien qu’inébranlable et apparemment imperturbable face à l’adversité.
On entendit plusieurs soignants et intervenants et je notai que ceux qui regardaient les pensionnaires au-delà du prisme du diagnostique s’interrogeaient d’autant mieux, manifestement, à propos du bien être et de l’histoire de ceux-ci, favorisant ainsi une certaine continuité de vie.
Autrement dit, je trouvai que ceux qui, parmi les soignants s’attachaient trop au diagnostique de leur pensionnaire les y réduisaient de par le regard très limité qu’ils portaient sur lui ou elle. Regard strictement scientifique et véritablement réducteur qui coupe le patient de sa vie « d’avant le diagnostique », lorsqu’il se croyait encore un citoyen comme les autres, quelqu'un à part entière.
À l’heure où certains voudraient des cartes d’identité génétique pour les émigrés et bientôt peut-être pour tout le monde, il est sans doute pertinent de rappeler à cette occasion, combien il est important que le regard porté sur autrui soit respectueux de son intimité, pour une liberté possible, une vie citoyenne possible.
16:35 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Merci pour ce texte très révélateur d'un monde de plus en plus clos ; à moins que l'on s'emploie à le rouvrir, comme au moyen de ce texte.
Écrit par : Patrick S. VAST | 05/11/2007
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