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23/08/2007

L'Empire des fourmis

 

 

Puisque vous aimez la géographie, accompagnons Wells un bout de chemin vers l'Empire des fourmis. L'auteur extrapole à partir d'une hypothèse scientifique : une invasion meurtrière de fourmis d'Amazonie. Heureusement il y a l'humour !

La ville d’Alemquer avec sa pauvre église, ses baraques au toit de chaume en guise de maison, ses ruines pâlies d’une époque plus opulente, ressemblait à un petit objet perdu dans ce désert de la nature, à une pièce de six pence que l’on aurait laissée tomber au milieu du Sahara. Holroyd était jeune ; il voyait là les tropiques pour la première fois ; il venait tout droit d’Angleterre où la nature est enclose de haies, creusée de fossés, assainie jusqu’à son parfait assujettissement, et il avait découvert d’un seul coup l’insignifiance de l’homme.

Cela faisait six jours que, partis de l’embouchure, ils remontaient le fleuve à la vapeur en suivant des chenaux peu fréquentés et la présence de l’homme y était aussi rare que celle d’un papillon rare. Un jour on voyait un canoé ; un autre jour, une station écartée ; le lendemain, pas âme qui vive. Il commençait à comprendre que l’homme est vraiment un animal rare, dont l’empire sur ce pays est précaire.

Il le comprit plus clairement au fil des jours et dans son avance tortueuse vers le Batemo en compagnie de ce singulier commandant de bord qui régnait sur un seul gros canon et se voyait interdire de gaspiller ses munitions. Holroyd étudiait assidûment l’espagnol, mais il en était encore au temps présent et au stade substantival de la parole, et la seule personne qui possédât quelques mots d’anglais était un chauffeur qui se trompait sur le sens de chacun d’eux. Le second du navire était un Portuguais nommé da Cunha, qui parlait le français, mais son français différait de celui qu’Holroyd avait appris à Southport si bien que leur rapport se limitait à des formules de politesse et à des remarques simples sur le temps qu’il faisait. Et ce temps, comme tout le reste dans ce nouveau monde stupéfiant, ce temps n’avait rien d’humain : il était brûlant le jour comme la nuit, et la vapeur en suspension dans l’air — même le vent apportait une humidité brûlante — avait des relents de végétation putrescente ; et les alligators, les oiseaux inconnus, les mouches de maintes espèces et de grosseur variée, les scarabées, les fourmis, les serpents et les singes semblaient se demander ce que l’homme venait faire dans un milieu dont l’ensoleillement était sans joie et la nuit sans fraîcheur. Porter des vêtements était insupportable, mais se dévêtir revenait à rôtir le jour et à exposer la nuit un plus grand espace de peau aux piqûres de moustiques ; monter le jour sur le pont revenait à être aveuglé par l’éclat du soleil, et  demeurer en bas à suffoquer de chaleur. Et la journée amenait certaines mouches, très adroites et nuisibles, au niveau des poignets et des chevilles. Le capitaine Gerilleau, seul à pouvoir distraire Holroyd de ses misères physiques, se révéla d’un ennui prodigieux, relatant jour après jour l’histoire simple de ses amours avec une kyrielle de femmes anonymes, comme s’il égrenait un chapelet

 

The town of Alemquer, with its meagre church, its thatched sheds for houses, its discoloured ruins of ampler days, seemed a little thing lost in this wilderness of Nature, a sixpence dropped on Sahara. He was a young man, this was his first sight of the tropics, he came straight from England, where Nature is hedged, ditched, and drained into the perfection of submission, and he had suddenly discovered the insignificance of man. For six days they had been steaming up from the sea by unfrequented channels, and man had been as rare as a rare butterfly. One saw one day a canoe, another day a distant station, the next no men at all. He began to perceive that man is indeed a rare animal, having but a precarious hold upon this land. ( “la description de ce voyage pose le décor : celui d'une terre toute puissante que l'homme ne domine pas” Dobrinsky, traduction.)

 

Commentaires

Wells nous a décrit de savoureux Martiens dans "La guerre des mondes". Alors les fourmis ne pouvaient échapper à sa sagacité.
Bonne soirée.

Écrit par : Ici Londres | 23/08/2007

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