06/08/2007
Les Cuirassés terrestres
« — Pif ! Paf ! Boum ! Bzz ! Comme dans un sursaut de peur, tous les fusils se déchargeaient spontanément. Le correspondant se retrouva en compagnie du dessinateur, seuls tous deux à ne rien faire, accroupis derrière une rangée de dos attentifs : ceux des soldats qui s’appliquaient à vider leurs chargeurs. Le monstre avait bougé. Il continuait d’avancer, indifférent à la grêle de plomb qui éclaboussait son cuir de nouvelles petites taches brillantes. Il fredonnait tout seul un petit refrain de machine, « teuf-teuf, teuf-teuf, teuf-teuf », et crachait de petits jets de vapeur. Il s’était ramassé sur lui-même comme une arapède sur le point de ramper ; et il avait relevé son tablier, révélant sur toute la longueur… des pieds ! Ceux-ci étaient mastocs et courts, d’une forme intermédiaire entre celle d’un bouton de porte et d’un bouton de vêtement : ils ressemblaient aux pieds plats et épais d’un éléphant ou à des pattes de chenilles ; après quoi, quand le tablier s’éleva plus haut, le correspondant de guerre, qui scrutait à nouveau l’engin à l’aide de ses jumelles, s’aperçut que tous ses pieds s’accrochaient en quelque sorte aux jantes des roues. Ses pensées revinrent en tourbillon à la rue Victoria dans le quartier de Westminster, et il se revit « en ce roucouleur temps de paix », en quête d’un sujet d’interview.
« M… M. Diplock, se rappela-t-il, et il appelait ça des Pédirails… Qui aurait cru en voir ici ! »
Le tireur près de lui souleva méditativement la tête et les épaules pour mieux viser – il semblait tellement naturel de supposer que l’attention du monstre devait être distraite par la présence de cette tranchée devant lui – et fut brusquement renversé en arrière par une balle qui lui perça le cou. Ses pieds jaillirent du sol et il disparut de la marge du champ de vision de l’observateur.
« Bang ! Bang ! Bang ! Whir-r-r-r ! » it was a sort of nervous jump, and all the rifles were going off by themselves. The war correspondant found himself and the artist, two idle men crouching behind a line of preoccupied backs, of industrious men discharging magazines. The monster had moved… »
H.G WELLS - The Land Ironclads (Les Cuirassés terrestres)
18:15 | Lien permanent | Commentaires (0)
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