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11/07/2007

les animaux

f0c78c3aaeeda2d6788d1475c2fbc0e7.jpgAlexandre Dumas, extrait :


Une Chasse aux éléphants

- Cette route, poursuivit Horace, est la même jusqu'à Postaye, seulement, au fur et à mesure qu'on s'éloigne de la ville et qu'elle se dépeuple d'hommes, elle se peuple d'animaux. De temps en temps, on voit, sur le bord du chemin, leur tête plate et jaune soulevée sur leurs pattes de devant, et dardant une langue de six pouces, d'énormes lézards connus sous le nom de guaïnas, qui regardent curieusement passer les voyageurs. On leur jette des pierres qu'ils évitent adroitement, quoique leurs mouvements soient lourds et leur fuite peu rapide ; le plus souvent même ils ne se donnent pas la peine de se déranger : ils tendent le dos, et les pierres y glissent comme sur un toit.
Des serpents s'enfuient à travers les herbes. Ceux-là étant plus malfaisants que les inoffensifs guaïnas, ne font pas courir, mais courent plus de dangers. A peine un nègre voit-il un serpent, qu'il se met à sa poursuite le rejoint et le tue, soit d'un simple coup de baguette soit en le prenant par la queue, en le secouant et en lui cassant l'épine dorsale d'un seul coup.
En arrivant dans l'Inde, j'avais eu, comme tous les étrangers, grand'peur des serpents, dont, avec sa prodigalité de créateur, Dieu a doté l'ancienne Serindis. Il y en a une vingtaine d'espèces à peu près, parmi lesquelles les plus dangereux sont le tippoo-lungo et le cobra-capella.
Je dis dangereux, pour obéir au préjugé général. A Ceylan, on ne se souvient pas, de mémoire d'homme qu'un blanc ait été mordu. Quant aux nègres, lorsqu'ils attrapent un coup de dent par hasard, ils disparaissent un instant, puis reviennent avec une compresse sur la blessure et mâchant une racine inconnue. Au bout de vingt-quatre heures, ils n'y pensent plus, et en sont quittes pour quelques taches blanches qui leur poussent sur le corps, – tout au contraire des Européens, auxquels, dans un cas pareil, la tradition dit qu'il pousse des taches noires.
J'ai été témoin de ce grand mépris qu'inspirent aux naturels du pays, et même aux étrangers qui habitent l'Inde depuis quelque temps, les reptiles les plus dangereux. Un jour, j'avais dîné à Malana-Kanda, chez ce même capitaine Williams avec lequel je cheminais en ce moment. Après le dîner, sa femme se mit au piano et nous chanta une cavatine de Rossini. A la huitième mesure, son mari lui dit : a Ne bougez pas. La chanteuse s'arrête, le capitaine prend une canne, l'introduit sous le piano, y donne un coup sec sur un objet qui ne rend qu'un bruit mat, et amène au bout de sa canne un cobra capella.
« - Ces diables de cobras, dit tranquillement le capitaine, ils adorent la musique.
Et sa femme continua son air, interrompu quelques secondes à peine par un événement qui, en Europe, eût mis une ville tout entière en révolution.

Alexandre Dumas

 

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