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22/07/2021

Les Contemplations

La partie IV des Contemplations de Victor Hugo s'intitule Écrit Au bas d'un crucifix.

 

 

Je partage d'abord la note en bas de page :  "quand Hugo parle de "ce Dieu" : le démonstratif, qui désigne le Christ martyr, signale que la religion hugolienne n'assume pas l'ensemble du dogme catholique. À Michelet qui le pressait, dans une lettre du 4 mai 1856, de supprimer les vers "au crucifix", Hugo répondit, le 9 mai, qu'il partageait sa haine pour le crucifix "martel(ant) les crânes pour y tuer l'idée", mais que Jésus était à ses yeux "une incarnation saignante du progrès" (cité par P. Albouy). 

 

 

Les premiers vers titrés  Écrit au bas d'un crucifix :

 

 

Vous qui pleurez, venez à ce Dieu car il pleure.

Vous qui souffrez, venez à lui, car il guérit.

Vous qui tremblez, venez à lui, car il sourit.

Vous qui passez, venez à lui, car il demeure.

 

 

Victor Hugo, mars 1842

 

Autre poème tiré des Contemplations :

 

I

 

À ma fille

 

 

Ô mon enfant, tu vois, je me soumets.

 

Fais comme moi : vis du monde éloignée ;

 

Heureuse ? non ; triomphante ? jamais.

 

           — Résignée ! —

 

 

Sois bonne et douce, et lève un front pieux.

 

Comme le jour dans les cieux mets sa flamme,

 

Toi, mon enfant, dans l'azur de tes yeux

 

    Mets ton âme !

 

 

Nul n'est heureux et nul n'est triomphant.

 

L'heure est pour tous une chose incomplète ;

 

L'heure est une ombre, et notre vie, enfant,

 

       En est faite.

 

 

Oui, de leur sort tous les hommes sont las.

 

Pour être heureux, à tous, — destin morose ! —

 

Tout a manqué. Tout, c'est-à-dire, hélas !

 

     Peu de chose !

 

 

Ce peu de chose est ce que, pour sa part,

 

Dans l'univers chacun cherche et désire :

 

Un mot, un nom, un peu d'or, un regard,

 

      Un sourire !

 

 

La gaîté manque au grand roi sans amours ;

 

La goutte d'eau manque au désert immense.

 

L'homme est un puits où le vide toujours

 

     Recommence.

 

 

Vois ces penseurs que nous divinisons,

 

Vois ces héros dont les fronts nous dominent,

 

Noms dont toujours nos sombres horizons

 

      S'illuminent

 

 

Après avoir, comme fait un flambeau,

 

Ébloui tout de leurs rayons sans nombre,

 

Ils sont allés chercher dans le tombeau

 

    Un peu d'ombre.

 

 

Le ciel, qui sait nos maux et nos douleurs,

 

Prend en pitié nos jours vains et sonores.

 

Chaque matin, il baigne de ses pleurs

 

     Nos aurores.

 

 

Dieu nous éclaire, à chacun de nos pas,

 

Sur ce qu'il est et sur ce que nous sommes ;

 

Une loi sort des choses d'ici-bas,

 

     Et des hommes !

 

 

Cette loi sainte, il faut s'y conformer.

 

Et la voici, tout âme y peut atteindre :

 

Ne rien haïr, mon enfant ; tout aimer,

 

      Ou tout plaindre ! 

 

 

 

Paris, octobre 1842

 

 

Je lis ces quelques lignes de la présentation des Contemplations :

 

"La nostalgie de la famille "d'autrefois" est d'autant plus vivace dans les Contemplations qu'elle se greffe sur un sentiment de perte antérieur à la mort de Léopoldine, le 4 septembre 1843, et à l'exil, voire à la fondation même de la famille. Les parents de Hugo, séparés, se disputent la garde de leurs trois fils, et la fidélité que le poète voue à son "père vieux soldat" napoléonien et à sa "mère vendéenne" le condamne à la dualité. Le frère aîné, Abel, n'est presque jamais évoqué ; l'autre frère, Eugène, sombre dans la folie le jour même du mariage de Hugo : le mythe de Caïn le fratricide hante le poète. L'amour est, comme le "réel" et comme le "drame", "harmonie des contraires", combinaison du "sublime" et du "grotesque" (Préface de Cromwell) : loin d'être un refuge, le couple et la famille constituent une caisse de résonance où se répercutent les discordances entre norme sociale et liberté individuelle, nostalgie du passé et fidélité à l'avenir, ombre et lumière."

 

Se sentir "condamné à la dualité" ? C'est-à-dire impossibilité pour Hugo de faire un choix politique du fait des affects envers le père et la mère, à l'opposé sur un plan politique. On voit ici que se libérer des affects est nécessaire pour réfléchir.  Le frère qui perd la tête le jour du mariage de Hugo ? Affects terribles en effet. Ne pas se laisser affecter est un art à cultiver ! Il doit bien exister une autre prise de recul que celle de la folie ! Certes celle-ci ne se commande pas mais on peut éviter le tourbillon... en  s'éloignant du trop plein émotionnel.

 

 

 

 

21:36 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

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