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14/02/2021

Les passions exacerbées

J'ai repris la lecture de l'Ensorcelée, de Barbey d'Aurevilly. Le contexte est celui du dix-neuvième siècle. Le fameux ressenti de  mésalliance  fait partie de l'histoire de l'infortunée victime du prêtre chouan, qui aliène involontairement, comme par distraction tant il est obnubilé par sa cause, celle-ci.

 

Ce ressenti, de  rejet de l'autre à cause d'un sentiment de sa propre supériorité a pris d'autres codes.  Du mot "aristocrate" on est passé au mot "intellectuel".... pour désigner l'être supérieur au manuel par exemple. Un changement de doxa pour  un même sentiment de domination jugée légitime de la part des uns à l'encontre d'autres.

 

Dans le roman de Barbey on a les expressions courantes de mépris :  "âmes vulgaires" en est une parmi d'autres. On est confronté souvent au ton hautain, dédaigneux des personnages appartenant comme on dit à la haute société. Mais il n'y a pas que cela dans le roman de Barbey,  car nous sommes avec des hommes et des femmes qui cherchent à intégrer dans leur esprit pas très souple il faut bien l'admettre, le Christ, les Évangiles. La rudesse, la cruauté d'esprit que l'on pourrait parfois qualifier de nazi par certaines attitudes prises à l'encontre des faibles, jugés à l'emporte pièce, ces esprits donc  se remettent parfois et pour certains  en question, et cela d'une façon surprenante, qu'on n'attendait plus. Le Christ se rappelle au prêtre chouan par exemple, de façon tout à fait poignante. 

 

Les pâtres errants n'ont pas cette chance, ils pratiquent en effet la sorcellerie et finissent par croupir dans une sorte de désir éternel de vengeance. Mais ne fabrique-t-on pas ses monstres, à force de rejet ?

 

 

Si Barbey rejette certains physiques, ce sont bien  les nommés "albinos". Il nomme ainsi les bergers à un moment donné : cheveux jaunes, yeux au regard absent, "verdâtres".

 

Ces bergers errants sont capables du pire, tout comme certains paysans, ceux  qui tondent et lapident les chouannes, de peur de s'en prendre à plus coriaces, les bergers en question notamment.

 

Côté aristocrate, Barbey les montre, bien qu'étant royaliste, comme des êtres qui se vivent comme des Dieux.

 

Pas d'ascenseur social dans cet univers ; ceux qui sont dans la mouise ou qui se sont "mésalliés" par crainte d'y tomber oublient souvent ce Jésus qu'ils respectent mais ne parviennent pas à intégrer. D'une manière ou d'une autre, bien souvent les personnages ont la rage au cœur, notamment ces fameux bergers ensorceleurs, rendus fous à force d'humiliations à mon sens.  Ces bergers ont-ils vraiment existé ou sommes-nous dans le domaine du roman fantastique ? Je ne pense pas que Barbey ait voulu écrire un roman de ce genre mais je ne suis pas spécialiste de Barbey, cela dit. 

 

J'ai noté de la schizophrénie chez les chouans de l'aristocratie quand d'un côté ils méprisent les paysans, et de l'autre, ils les appelle à la rescousse pour combattre les Bleus.

 

Pour autant, Barbey d'Aurevilly réserve des surprises, il est inattendu. La lumière surgit au débotté, cela peut devenir grandiose. 

 

Je dirais que Barbey est un écrivain de l'ombre et de la lumière, des combats intérieurs quand les passions consument les êtres. Un grand écrivain complexe certes, qui choque parfois, me concernant, mais est enrichissant, oblige à vaincre ses propres à priori pour comprendre mieux, s'ouvrir même à une empathie dont on ne se serait pas cru capable pour un personnage qui vous débectait et d'un coup vous saisit dans sa dimension tragique. Et n'oublions pas l'humour de Barbey, quand il fait causer les commères pour lesquelles il a beaucoup de tendresse.  Il pénètre si bien leurs sentiments et mouvements d'humeur et de langue (au patois poétique),  que l'on croirait qu'il a été lui-même commère à ses moments perdus, ou dans une autre vie.  

00:33 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

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