10/10/2020
Dernier extrait ♣♣♣ L'amour est un coup de poing dans l'estomac ♣♣♣ Écluse à pertuis
J'en suis à la page 565 du livre intitulé Testament à l'anglaise de Jonathan Coe. Une œuvre colossale où des destins se croisent sans cesse ; dans l'extrait ci-dessous, la vie d'une jeune femme habitant Londres s'abîme peu à peu sous son propre regard terrifié ; son ami et amoureux se retrouve impuissant à l'aider. Pas de place pour elle à l'hôpital durant cinq heures où elle attend dans un couloir des urgences, étendue sur un charriot. On oublie de lui administrer les antibiotiques... médecins et infirmières en manque de sommeil, en manque de lits, se débattant avec des problèmes de gestion extérieure les empêchant d'accueillir les patients dans le délai acceptable. Ingérence de la part de gestionnaires obnubilés par le rendement, étrangers au domaine médical, disent médecins et infirmiers. On est en 1991, des services ont fermé pour les civils, consacrés aux soldats, car on anticipe la guerre qui va bientôt se dérouler en Irak, ramenant ses soldats blessés. Situation qui aggrave encore la pénurie de lits et de soins appropriés.
L'extrait, page 565, 566 :
"Mais je détestais cette façon de nous pousser à considérer la guerre comme inévitable : d'où pouvait bien provenir cette charmante certitude ? En tout cas, c'était censé ne me concerner en rien — ça aurait lieu à des milliers de kilomètres, à l'autre bout du monde, à l'autre bout (ce qui était encore plus loin) de l'écran de télévision. Alors comment pouvais-je soudain accepter l'idée que cela faisait partie des forces conspirant contre Fiona — que ce monstre avait déjà rampé jusqu'à sa vie irréprochable ? C'était comme si des failles s'étaient mises à apparaître dans l'écran et que cette affreuse réalité se glissait au travers ; ou que le miroir était devenu liquide par enchantement et que, sans le savoir, j'avais pénétré dans le cauchemar, comme Orphée.
Durant toute ma vie, depuis ma séance de cinéma à Weston-super-Mare, j'avais essayé d'aller de l'autre côté de l'écran. Cela voulait-il dire que j'y étais enfin parvenu ?"
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Papotin du jour.
Tout à l'heure j'entends à la télé des gens répéter "l'humour est un coup de poing dans la gueule" et se gargariser de cette formule. Il y a des jours de fatigue où l'on n'a pas la force de recevoir l'humour coup de poing dans la gueule, on a juste envie de se cocooner.
Mais l'amour coup de poing dans la gueule n'existe pas, ça non. L'amour peut faire mal quand on n'a pas su comprendre de quoi il est fait, la distance qu'il requiert. Mais si vous recevez direct un direct, "dans la gueule", au moins vous êtes prémuni contre l'amour, c'est déjà ça, car le masochisme doit être épuisant.
Cela dit, l'humour anglais, que j'ai pu apprécier dans plusieurs livres d'auteurs anglais différents n'est jamais "coup de poing dans la gueule" ; hier malgré les tragédies qui se trament dans Testament à l'anglaise, j'ai eu souvent l'occasion de rire. Un rire qui allège le cœur, ce qui fait que vous avez la force de continuer à traverser le miroir avec l'auteur par exemple, puisque dans ce dernier livre, il s'agit de cela. Espérer jusque dans la mort, durant le passage derrière le miroir.
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Écluse ou barrage à pertuis, barrage pour "faire passer" (passage = pertuis), en l'occurrence les bateaux. Le barrage à pertuis a pour technique une écluse ("exclure") à déversoir. C'est passionnant. Écluse à pertuis ne signifie pas "exclure à perpète" en vieux français. Consonances voisines mais pas le même sens.
Ici :
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cluse
15:53 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
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