« J’ai marché pendant deux jours à la suite de Notre-Dame. J’ai marché en compagnie de jeunes filles en fleurs et de dignes dames âgées, de scouts en uniforme arborant leur fanion et de collégiennes en blue-jeans d’une aumônerie proche. J’ai marché au milieu de gens accourus de Bordeaux et de gens vivant à proximité et même, le dimanche, d’une famille de réfugiés syriens qui nous a accompagnés un moment. J’ai marché en compagnie de gens qui communient à genoux et de gens qui communient dans la main, de gens qui revenaient de Saint-Jacques-de-Compostelle et de ceux qui n’avaient jamais fait de pèlerinage. J’ai marché en compagnie de ceux qui « y croyaient » profondément et de ceux qui « n’y croyaient » qu’à peine… J’ai marché au milieu des gens d’ici et de maintenant, à la suite de Marie.
Nous avons cheminé à travers les vignes. Nous avons longé des bois. Nous avons traversé bourgs, villages et hameaux, accompagnés des sourires et des saluts de gens sortis de leur maison souvent avec leurs enfants pour nous voir passer. Nous avons affronté des exclamations goguenardes et aussi des regards indifférents. Nous avons béni les regards admiratifs et pardonné les autres. Nous avons cheminé à la suite de Notre-Dame, à travers la campagne de Gironde, et cela a suffi à nous combler. Il y a eu des moustiques agressifs et des ampoules aux pieds. Il y a eu la sueur, le vent, le soleil, la poussière et la soif. Il y a eu les courbatures et la lassitude, les pieds moulus et les jambes lourdes. Il y a eu tout cela, mais nous ne nous en sommes presque pas rendus compte, tout occupés que nous étions à cheminer sans relâche dans les pas de Marie.
La robuste jument de trait tirait sans renâcler la belle calèche aux panneaux de bois vernis, sur les bancs de laquelle se trémoussaient des grappes d’enfants rieurs qui agitaient des ballons. Bien tenue sur la petite remorque fleurie, Notre-Dame, dans la pierre blanche de sa statue, présentait, radieuse, son fils, ce Dieu-enfant qui nous tendait les bras en souriant.
Nous sommes partis de Saint-Émilion, à 9h, après la messe dans l’abbatiale. On célébrait ce matin des fiançailles, et malgré l’heure matinale, nous avons déposé au passage chez eux les fiancés ravis. Bifurcation vers Catusseau, traversée du terroir de Pomerol : un peu avant midi nous sommes arrivés, en périphérie de Libourne, à la petite chapelle du Pintey, dédiée à Notre Dame du Rosaire. Messe, pique-nique, veillée avec chants et prières : c’est le rythme bienfaisant du pèlerinage.
Retour à la maison à 22h passées. Le lendemain, dimanche, nous avons remis ça. Les chants et les chapelets, inlassablement récités sous la conduite de la sœur qui nous accompagnait, ont rythmé la journée. Paroles qui embrigadent ? Annihilation de la pensée que ces récitations continuelles ? Que nenni : si la route était martelée de nos pas (et certains marchaient pieds nus) en essayant de suivre la cadence métallique des fers de la jument, nos cœurs, incertains ou fervents, mais toujours de bonne volonté, s’élevaient lentement sur les gradins du Ciel.
Soudain, nous avons quitté la route et sommes entrés dans une belle propriété viticole pour terminer l’étape de ce dimanche. Si nos corps fatigués avaient bien besoin de faire halte, nos pensées sont allées vers les organisateurs et les bénévoles qui ont piloté cet évènement avec une inlassable et édifiante bonne volonté. Puis les pèlerins se sont dispersés… Et la statue de la Sainte Vierge s’est reposée, provisoirement installée sur une barrique.
Demain, elle reprendra sa route.
Que restera-il de ces deux jours, pour nous autres, humbles pèlerins ? Dieu seul le sait car sa grâce agit en silence dans le secret des âmes. Disons que ce fut un beau petit moment de foi, vécu sans façon. Pour mieux dire : C'était la… « Foi dite en passant » et cela a suffi à réjouir nos cœurs.
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