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24/01/2017

Routes et autoroutes

 

Dès les premières pages sur Tom Ryan, personnage du roman de science fiction Oracle,  de Ian Watson,  il est question de déconnexion. Tom et sa sœur traumatisée encore plus qu'il ne l'est par la mort de leurs parents,  tués lors du crash de l'avion où avait été déposée une bombe, vivent-ils à part ? Peut-être bien car Tom se défend de toute liaison véritable, de longue durée avec une femme, du moins, au début du roman. Son devoir de protection de sa sœur étant prioritaire.

Voici comment il se sépare d'Eeva, la femme avec qui il se sentait pourtant en affinité,  après qu'ils ont fait connaissance via une conversation en anglais et en latin qui a duré toute la soirée :

 

"Il était grand temps de partir. Comme il se levait, Eeva fit de même.

 

S'étirant un peu, elle l'embrassa furtivement sur la joue.

 

"Je pense que je suis un peu saoule" annonça-t-elle "Je dois aller dormir."

 

Pas d'ambiguïté : au lit. Mais pour dormir. Devait-il lui rendre sa bise ? Probablement pas.

 

"Alors au-revoir, Eeva."

 

Il hissa son sac de cuir noir sur son épaule.

 

"Conduis prudemment. Tu prends la M1 ?"

 

Les gens qui se quittent parlent souvent de manière à neutraliser les possibilités de le faire. (NP : j'aurais pu traduire "de manière à ne pas se donner les moyens de le faire", qui sonne plus "pensée française", mais est-ce qu'avec cette version on est encore fidèle à la pensée de l'auteur ?)

 

Il pouvait rejoindre l'autoroute à quelques kilomètres seulement au Sud à Lutterworth. Mais il ne le ferait pas.

 

"Je resterai sur l'A5 tout le long. C'est une route vivante qui a une histoire. Je me suis senti déconnecté durant toute la journée."

 

Il faisait allusion à cet hôtel et à la vision aseptisée d'un monde harmonieux de discoureurs.

 

Eeva pouvait-elle supposer qu'elle l'avait débranché et que maintenant, délibérément, il rejetait leur affinité.

 

"L'autoroute semble irréelle, expliqua-t-il. Elle est tellement à part. L'A5 est une bonne route. Elle est large et droite."

 

Walting Street était presque parallèle à l'autoroute. La nécessité de prendre des initiatives au volant — cependant pas trop — et la variété modérée de celle-ci, le garderait en état de vigilance. Non pas qu'il se sentît las pourtant.

 

Il sourit largement.

 

"Je pourrais conduire plus vite sur la M1. Je sais quels ponts sont munis de radars. Mais il se pourrait que je l'oublie, nous revoyant à converser ensemble."

 

"Vale !" dit-elle "Bene Habet !". Ce qui tenait presque du Romain pour se souhaiter une bonne journée. Ou une bonne vie."

 

Ian Watson

 

Fin de l'extrait, je ne mets pas l'original du texte, en anglais,  car je n'en ai pas le temps. Je pense l'avoir traduit au mieux. Tom veut se reconnecter, si bien qu'il prend une "route vivante", qui a une histoire. L'autoroute est "separate" mot qui signifie "coupé", "à part", et pourtant presque tout le monde choisit de prendre l'autoroute. Walting Street, la route qu'il va prendre, est une ancienne voie romaine. Nous est dit que c'est la mémoire qui rend vivantes  les routes. Les hommes se souviennent de son histoire, la route devient plus émouvante, parfois il ne connaissent pas son histoire mais sentent qu'elle en a une par l'ambiance qu'elle dégage.

 

En est-il de même pour les humains ? ... se souvenir de leur parcours, de leur route, de leur histoire, pour ne pas les déconnecter comme des choses aseptisées... peu à peu rendues irréelles ? Ce serait cela le vrai froid qui fait mal... attention de ne pas "congeler" les êtres, à part les uns des autres !   

 

 

 

02:45 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)

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