06/10/2016
L'archipel d'un autre vie d'Andreï Makine
J'ai commencé à lire le livre vers 21 heures et en ai terminé la lecture vers trois heures du matin. Nuit presque blanche. Je l'ai lu sans fatigue, car je suivais la traque du fugitif ; cinq hommes au début de la traque le suivent sans relâche, transformés qu'ils sont par le système en prédateurs au-delà peut-être de leurs éventuels propres instincts de prédation, du moins en ce qui concerne la prédation d'un autre homme, sans que leur conscience ne les titille jamais pour d'aucuns autrement que par des cauchemars. Car presque tous les personnages (hormis le fugitif qui est un être exceptionnel, et Vassine, un des poursuivants, qui l'est devenu après une expérience traumatisante), ont un pantin intérieur qui prend beaucoup de place, sinon toute la place pour les plus criminels d'entre eux ; des sentiments comme la compassion, mais aussi d'autres, plus troubles, s'exacerbent ou s'éveillent peu à peu dans le for intérieur de trois d'entre eux, qui risquent du coup, ils le savent, s'ils laissent se dévoiler par mégarde leur évolution, de tomber sous la coupe des deux dont le "pantin" intérieur, que la peur et les désirs animent, les incitent à jouer jusqu'au bout le jeu d'une tragédie macabre pourvu qu'ils n'en soient pas les victimes. Ce jeu social perverti a mué ces deux-là en morts vivant, obéissant à une mécanique de destruction de tout ce qui peut obstruer la réalisation de leurs désirs primaires de satisfaction immédiate et de carriérisme.
Grâce à ce livre... j'ai médité durant à peu près six heures non seulement sans fatigue, mais bien réveillée, surprise moi aussi quand les poursuivants cernèrent l'identité de leur proie ...
vous avez aussi un "cours d'histoire" sur l'Union soviétique, Les État-Unis durant la guerre froide, et la bombe atomique qui les démange ; vous apprenez aussi beaucoup sur la taïga, cette immense zone de nature préservée où vivent des ours, des loups, des fauves peut-être aussi, toutes sortes d'animaux, taïga qui est traversée par des cours d'eau aussi et l'océan pas loin. Les autochtones en ce pays froid de l'extrême Orient aiment les bêtes s'ils sont encore reliés à la nature et cependant en chassent pour se nourrir. Un des poursuivants, qui connaîtra ce que l'on peut appeler une rédemption, attrape un poisson qu'il mange tout cru "avec chagrin et reconnaissance", autrement dit il se choisit mais aime l'animal qu'il dévore au-delà du goût culinaire : il l'ingère avec respect et reconnaissance. C'est pourquoi il n'y a pas risque de surpêche quand on revient à soi dans ce contexte ... on attrape la bête avec économie, selon le strict besoin alimentaire vital.
Le livre vient de paraître aux Éditions du Seuil. 281 pages. Pas si épais que cela mais très dense ! 18 euros que je ne regrette pas d'avoir dépensés.
08:35 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
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