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25/10/2014

Récapitulons

De quoi est faite l'histoire de la bande Cadet, roman de Féval. Une histoire qui donne de quoi avoir le tournis tant il y a de revirements dans les identités des personnages. Qui est qui ? voilà la question. Ce n'est pas tant la plume de Féval qui est déroutante avec son style dix-neuvième mélangé de pirouettes et facéties toutes modernes,  mais ce qu'il expose à travers son écriture par une série de faits qui tiennent de la comédia del arte. Tout est amoral chez ceux de la bande Cadet, et on tient à l'amoralité comme à sa dernière chemise, donc on instrumentalise à qui mieux mieux des êtres si possible sans défense, comme les enfants. Tant et si bien que je me pose la question à savoir si l'auteur lui-même s'y est retrouvé à la fin, sur un plan moral justement. Dans cette histoire, il y a une fillette qui détient un titre de duchesse et l'héritage allant avec, dont le tuteur doit absolument cacher l'identité pour une question de survie de sa protégée, car une belle parvenue de comtesse, sinon,  prendrait l'enfant en chasse pour capter l'héritage.  L'enfant, une fois son protecteur décédé, s'enfuit du repaire où elle avait atterri et un forain solitaire, Échalot, la recueille. Échalot est un  personnage récurrent que nous voyons dans cette histoire sans sa dulcinée qui portait le nom charmant de  maman Canada, laquelle a manqué aux lecteurs qui s'y étaient attachés,  dont je suis, mais il a bien fallu s'en passer. Les gens du repaire, une fois partie l'enfant qui représentait pour eux la poule aux œufs d'or étant donné que ces fins limiers connaissaient son identité, remplacent celle-ci par une orpheline qu'ils vont chercher dans une ferme et à qui ils font croire qu'elle est duchesse, ayant l'intention de la marier le moment venu à "son" cousin, le duc de Clare, afin de doubler l'héritage.  Il est prévu par la bande Cadet dont certains éléments se donnent l'apparence d'une famille adoptive, qu'à peine les  deux jeunes aristocrates seront-ils devenus parents,  ils les assassineront  afin évidemment de profiter de l'héritage en tant que tuteurs de leur enfant. Nous voilà donc avec, d'abord,  une enfant qui s'est sauvée chez un forain, laquelle se fait appeler Lirette, la vraie duchesse, et une autre enfant, Clotilde, au caractère noble dixit Favel, mais sans statut de noblesse, et que l'on berne. Clotilde dépense son intelligence naturelle (car elle n'a pas de précepteur)  à percer les mystères qui cachent combien glauque est sa situation. Adèle qui joue le rôle de sa mère adoptive, n'est ni plus ni moins que le chef de la bande Cadet déguisée en femme. Dans cet univers factice à quoi d'autre se raccrocher sinon à l'affection qu'elle porte à un autre orphelin, de son âge, qui se trouvera au final, après bien des tours de passe-passe du destin,  être le fameux duc de Clare, lui aussi enfant caché, afin qu'on ne s'en prenne pas à son héritage.  Terrible avanie pour Clotilde, Clément (un faux nom), celui qu'elle aime de tout son être, et donc sans partage,  a déjà rencontré auparavant Lirette, et dans des circonstances si dramatiques que les deux enfants se sont liés l'un à l'autre dans un serment d'amour qu'ils gardent gravé en eux ; le petit duc ne peut qu'offrir une amitié sincère à Clotilde.  Apparemment tout finit plutôt bien dans l'histoire de Féval puisque "les vrais" héritiers, de la couronne, pourrait-on presque ajouter,  finissent par se retrouver. Reste à Clotilde la "gloire" de mourir sanctifiée,  sacrifiée par l'auteur pourrait-on penser, au moyen d'un beau suicide bien consenti... Et là, je me dis que pour Clotilde l'amour n'était vraiment pas la solution, du moins ce genre d'amour où l'on se donne tout entier à un autre...  mais Clotilde n'avait pas l'opportunité de se prendre de passion pour la musique, ou l'étude de n'importe quoi d'autre. Elle est donc morte de son intelligence uniquement utilisée à percer la dèche morale des adultes qui faisaient d'elle une proie.

Un livre, une histoire qui a dû dépasser son auteur, plongé qu'il était dans les intrigues à mener à bien pour faire retomber sur leurs pattes deux amoureux. 

 

Un homme averti en vaut deux, je souscris à cela... Féval, en écrivain cent fois averti des turpitudes humaines qu'il était, vu les histoires qu'il avait en tête,  s'est néanmoins fait voler à la fin toutes ses économies, dans la vraie vie, économies qu'il avait confiées à un homme qui alla une fois le forfait accompli se cacher, bien loin de la France. Ce qui tua sa femme et le fit entrer lui au couvent.  Zola qui n'aimait pas Féval eut une fin difficile aussi. Deux écrivains qui s'attachèrent à parler de la dure réalité pour certains hommes non vernis comme on dirait aujourd'hui, faite d'avanies allant jusqu'au péril de la vie. Je pense qu'on doit beaucoup aux écrivains qui s'exposent beaucoup comme ceux-là, parce qu'ils dénoncent des choses graves ; derrière la fiction,  pour Féval surtout, faite de bric et de broc, de rêves d'un merveilleux suranné  et presque à son insu parfois à ce qu'il me semble. Ils s'exposent car outre les qualités indéniables de ces longs textes, difficile de ne pas y exposer aussi  ses défauts qui deviennent alors de potentiels talons d'Achille. En tant que lectrice qui n'ai plus qu'à becqueter, je salue le courage de ces deux-là notamment, si différents qu'ils soient.

  

08:03 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)

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