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16/10/2014

Un bel aperçu de Paris par Féval

Ci-après, une description poétique et en même temps terre à terre  de l'environnement parisien vu d'un appartement ; superbe à mes yeux, et ensuite, toujours selon moi, Féval n'est plus égal à lui-même quand il s'agit de décrire avec force précisions une femme : Irène, son héroïne. Non pas du fait de mettre en valeur tel ou tel autre type physique mais en raison de ce qu'il semble en déduire concernant la personne. S'il avait décrit avec la même ferveur un physique à l'extrême opposé, le problème aurait été le même. Ce que j'estime être le travers de Féval est celui de beaucoup d'hommes, dont les femmes à ma connaissance, sont épargnées. L'extrait : 

 

"La chambre d'Irène

 

Nous traversons maintenant le carré, et nous prenons la liberté de pousser la porte sur laquelle était tracé en écriture anglaise le nom de mademoiselle Irène, brodeuse.

 

Il pouvait être sept heures du soir. Le jour ne baissait pas encore, mais le soleil, voilé par les chaudes vapeurs du couchant jetait obliquement ses rayons plus vermeils.

 

Il y avait des rubis dans l'air, et le large paysage qu'on apercevait par la croisée grande ouverte se teignait de nuances pourprées.

 

C'était d'abord, au premier plan, sous la frange de fleurs qui ornait la fenêtre et cachait la marge poudreuse du chemin des Poiriers, un parc splendide, le plus beau assurément, des parcs renfermés dans l'enceinte de Paris : Le Père-Lachaise avec ses mouvements de terrains alpestres et ses opulents ombrages.

 

Par un hasard singulier, le mot parc peut être ici employé et compris à la rigueur. De la fenêtre d'Irène on ne voyait qu'une verte forêt d'arbres touffus aux essences variées et groupées selon l'art le plus heureux. À part cette sépulture stupéfiante qui s'aperçoit de partout et où les étrangers, cherchant le nom d'un demi-dieu, lisent en se frottant les yeux celui d'un marchand de chandelles, le cimetière dissimulait partout ses croix et ses urnes pour ne montrer que de riantes perspectives.

 

Encore ne voyait-on pas beaucoup  la ronde pyramide qui étonne si fort les Anglais, accoutumés à jauger la gloire d'un mort par la hauteur de son sépulcre.

 

Ce monument de l'innocente vanité bourgeoise montrait seulement son sommet en pomme de chaise au-dessus des feuillages, interposés décemment. Il fallait le deviner pour en être incommodé.

 

Tout le reste était parc, jardin anglais, l'abbé Delille y eût cueilli de pleines corbeilles de vers descriptifs, et certain petit mausolée grec, encadré dans la verdure qui faisait face justement à la croisée fleurie où souriait Irène, avait l'air d'être placé là pour égayer le paysage.

 

Tous les jardins aimés par l'abbé Delille avaient de jolis tombeaux, indispensables au même degré que la "grotte", la petite rivière et "le pont rustique."

 

Elle était bien là cette sépulture modeste, mais élégante et qui semblait toute neuve. Elle faisait rêver doucement et froidement, comme une page de Rousseau, émaillée de mots limpides.

 

Celui qui dormait ici dans la fraîcheur des gazons, sous l'ombre gracieuse des acacias et des cityses, avait été sans doute un ami passionné de la nature.

 

Son nom, le nom d'un poète peut-être, était écrit en lettres d'or sur la table de marbre blanc que surmontait un frontispice corinthien.

 

La distance empêchait de lire, excepté à un certain moment de la soirée où le soleil, tirant une étincelle de chaque lettre, renvoyait vers la fenêtre d'Irène ce nom tracé en caractère de feu.

 

À gauche de la fenêtre, la vue était bornée par un retour du pavillon percé d'une croisée que nous connaissons bien pour être une de celles qui éclairaient le logis du "patron" d'Échalot.

 

L'autre croisée du chevalier Mora donnait sur le cimetière.

 

Au-delà de l'aile, en retour, on voyait les pauvres terrains de Charonne, couronnés par les hauteurs de Montreuil.

 

De face, par les percées du parc funèbre, quelques maisons de Saint-Mandé et le bois de Vincennes se montraient à perte de vue.

 

À droite, c'était la ville, précédant la vallée de la Seine et où se détachaient la colonne de la Bastille, les bosquets du jardin des Plantes, le Panthéon et, tout en bas, le noir vaisseau de Notre-Dame de Paris.

 

C'était très beau et cela contrastait grandement avec le boueux labyrinthe qu'on était obligé de traverser pour arriver de la rue des Partants au pavillon Gaillaud." 

 

  Paul Féval 

 

Voilà pour la description de l'environnement, très bon n'est-ce pas ?   Je ne mets pas celle d'Irène, because it's too much !

 

Je préfère cette façon-ci de parler d'une femme :

 

 

 

 

 

Et pour finir aujourd'hui, ce beau texte de Solko, trouvé sur son blog  :

 

"Il pleut doucement sur la ville.

Ce vers prend une belle saveur, ce matin. Le ciel est d’encre, la lueur des réverbères isole ça et là des lieux, plutôt qu’elle n’éclaire un endroit, et ce bruissement des feuilles sous la pluie donne aux platanes l’occasion d’une parole, d'un chant rare, timide et persistant, filant sa romance au réveil.

La saveur de ce moment est qu’il passe, précisément. Et que, ne durant pas, il en renouvelle d’autres, dans  la continuité en pointillé de la durée des hommes. Traces de traits fins et lumineux, ces gouttes de vie qui sont aussi des larmes de pluie,

 

Et d’une ariette à l’autre, la mélodieuse consistance de cette chute conjure l’oubli."

 

Solko

 

 

 

  

 

 

 

 

 

  

 

 

 

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