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20/09/2014

Un extrait de Maman Léo

J'ai fait les exercices indiqués par Chrystelle Herbeaux Del Pino, j'en avais besoin, des douleurs se faisant sentir au niveau de la nuque et des épaules ce matin...  l'automne ces petits soucis reviennent avec la baisse des températures quoique hier il faisait chaud ; la rivière juste derrière la maison y est aussi un peu pour quelque chose à mon avis. Toujours est-il que ces exercices m'ont permis de réchauffer les zones douloureuses, il reste quelques résidus de douleurs, mais moindres, alors, grand merci Chrystelle Del Pino. Du coup je peux vous mettre un extrait de Maman Léo de Paul Féval. L'auteur a parfois une tournure d'esprit que je ne saisis  pas très bien j'avoue, mais au final je considère qu'il est quand même un excellent témoin d'une époque, d'un certain Paris fantastique. Un extrait :

 

" ... mais nous l'avons dit bien souvent, au fond de cette pauvre bohême de la foire où Mme veuve Samayoux tenait un rang considérable, les légendes du crime sont connues et en quelque sorte honorées comme pouvaient l'être chez les païens les légendes de la mythologie.

 

Ces sombres poèmes du crime impossible courent non seulement les établissements forains, mais encore toutes les mansardes et toutes les masures d'où  sort le public qui fait vivre la foire.

Dans les veillées de ces campagnes bizarres qui sont dans Paris, mais qui sont en même temps si loin et si fort au-dessous de Paris, il y a des bardes comme en Irlande, des improvisateurs comme à Naples, des troubadours comme il y en avait dans toute l'Europe au Moyen Age.

Et de même que les bardes chantent l'épée, les trouvères la lance, c'est toujours le couteau qui est au fond de la sauvage Iliade des rhapsodes de la misère.

En Basse-Bretagne, vous pouvez parler des korigans sans expliquer le mot, des âmes-doubles, et par tout le pays scandinave des elfes et des goblins ; sous le règne de Louis-Philippe, dans aucun hallier de la forêt parisienne, on ne vous aurait fait répéter deux fois le nom des Habits Noirs.

 

Chacun savait ce que cette alliance de mots voulait dire, chacun du moins croyait le savoir, car il y avait ici de nombreuses variantes comme dans toutes les mythologies.

 

Mais au-dessus des variantes une chose surnageait, qui était le fond de la superstition populaire : chacun croyait à une sorte de franc-maçonnerie, constituée selon l'échelle même de la société humaine, c'est-à-dire ayant sa noblesse, sa bourgeoisie, son peuple.

 

Chacun croyait que les soldats de cette fantastique armée étaient innombrables, que les officiers en étaient nombreux, et que les généraux s'asseyaient, paisibles, aux plus hauts sommets de nos inégalités sociales, abrités qu'ils étaient contre les clairvoyances de la loi par je ne sais quel nuage magique.

 

Voilà pourquoi Valentine, s'adressant à maman Léo, avait parlé des Habits Noirs sans souligner l'expression et avec la certitude d'être comprise.

 

[...] Les Habits Noirs ! les hommes de la puissance inconnue et du crime éternellement impuni ! Les Habits Noirs, ces fantômes homicides que tant de récits à faire peur lui avaient montrés rôdant parmi le silence des nuits parisiennes !

 

Elle avait vu les Habits Noirs ! elle était dans la maison des Habits Noirs !

 

La foi est une étrange chose ! il est certain qu'on peut croire et ne pas croire en même temps, puisque les plus crédules sont stupéfaits souvent quand ils se trouvent, à l'improviste, en face de l'objet de leur crédulité.

En descendant l'escalier qui menait de la chambre occupée par Valentine au salon de Dr Samuel, maman Léo se disait :

 

— M. Constant en est, et ça ne m'étonne pas, car il a une figure qui ressemble à un masque, mais ces vieux messieurs qui ont l'air si respectable ! un colonel ! un prince ! et que penser de Mme la marquise elle-même ? car Fleurette a beau dire, qui se ressemble s'assemble et je me méfie de tout le monde ici !

 

Elle essayait de se faire une règle de conduite ; mais tout tournait dans son cerveau.

 

Et voyez le trait de caractère ! à un certain moment, ne sachant à quel saint se vouer, elle eut l'idée de s'adresser à la justice.

 

Mais ce fut pour elle le symptôme du découragement poussé jusqu'à la folie ; elle haussa les épaules avec colère et se dit :

 

— Puisque je patauge comme cela, nous sommes donc perdus tout à fait !

 

Car ils ne croient pas à la justice, et de lugubres exceptions que leur ignorance érige en règles leur font craindre les juges.

 

Quand ils regardent en haut, le bien leur échappe, ils ne voient que le mal grandir outre mesure.

 

C'est la vengeance des vaincus.

 

On doit leur savoir gré peut-être de ne pas écraser sous le poids de leur multitude cette infime minorité d'heureux à laquelle ils attribuent, faussement il est vrai, l'incurable maladie de leur misère.

Paul Féval

Vous voyez, le début de l'extrait est sublime mais la fin, selon moi, tombe à plat. C'est comme cela, je trouve que le meilleur et le  beaucoup moins bon se côtoient dans les écrits de Paul Féval, assez paradoxal, si j'en juge à cet extrait car cette croyance aux  Habits Noirs n'est pas le signe d'une société très juste où le peuple ne serait pas un tantinet martyrisé.  Mais ma curiosité à l'égard de l'auteur subsiste... il y a de nombreux bons morceaux et c'est du boulot !

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

  

10:28 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

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