25/03/2014
Jacques à dit, Hugo en dit ... assez d'accord
"History has its truth, and so has legend. Legendary truth is of another nature than historical truth. Legendary truth is invention whose result is reality. Furthermore, history and legend have the same goal; to depict eternal man beneath momentary man."
C'est une pensée de Victor Hugo. Les coulisses de la Grande histoire sont peut-être plus intéressantes que l'histoire officielle sans que tout soit à jeter, évidemment, dans ce que racontent les livres d'histoire. Reste la part d'intuition. Je viens de lire Le grand Cœur de Jean-Christophe Rufin, l'auteur avoue s'être peut-être plus peint lui-même à différents moments que Jacques Cœur. Jacques Cœur était-il amoureux d'Agnès Sorel? J-C Rufin a l'impression que Jacques Cœur s'est probablement empêtré dans ses sentiments vis-à-vis d'Agnès et de sa femme légitime, que, au bout du compte, dans le roman, il considère avoir gravement trahie. Sa fortune a bien pu le conduire à de grands tourments, ceux qu'on éprouve quand on risque trop son âme, à mauvais escient parfois. Rufin montre le génie commercial de Jacques Cœur lorsqu'il crée un réseau, lequel sauva le roi de guerres intestines contre les princes de France, mais faillit le cramer lui, un peu à la manière de Jeanne d'Arc, sa contemporaine, en paiement de ses loyaux services. Par ailleurs Rufin le dépeint encore, ce héros, lorsqu'il tombe dans sa propre toile, en raison de compromissions graves ; notamment lorsqu'il refuse de sauver un jeune "mahométan", dans l'unique but de conserver de bonnes relations avec les puissants du pays d'Egypte qui continueront ainsi à laisser naviguer ses bateaux dans leurs eaux. Quand les choses prennent des proportions gigantesques, où se jouent la gloire d'un pays, le succès d'une entreprise colossale, alors il devient difficile d'échapper aux tromperies avec soi-même, aux petites et grandes trahisons que Jacques Cœur n'a pas vraiment voulues, presque étranger, qu'il fut, imagine Rufin, au monde matériel auquel il prenait activement part cependant mais de façon paperassière par la suite. L'homme à la tête du réseau en question, Jacques Cœur, est à la fin à bout de forces et au bord de se perdre. Du coup, Rufin lui invente une troisième femme, en dehors de son monde, elle vit simplement, et alors, s'insinue pour Jacques Cœur un retour possible sur soi, un ressourcement.
L'Histoire et la légende ont en commun de dépeindre l'homme éternel sous l'homme du moment, celui qui passe mais est relié à cette dimension d'humanité éternelle, pense Hugo ; mais oui, on le voit bien dans ce livre-là, sauf qu'il arrive que l'histoire ne puisse accéder à la dimension de légende par ce que ses acteurs ont eu d'inhumanité, de monstrueux, elle reste alors crue, l'Histoire, difficile à avaler, à digérer ; les dragons de légendes sont de la gnognotte à côté de certains personnages qui la firent.
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